Il faut être préparé avant d’entrer dans une exposition de Sarah Morris a-t-on l’habitude de dire. Il est vrai que sa peinture peut sembler n’offrir qu’un formalisme froid, et ressembler à une extension à l’huile du graphisme à la mode. Mais elle est, aussi et surtout, hyper référencée. Chaque projet a une origine, chaque image est la condensation de sensations visuelles que l’artiste déconstruit et abrège.

S’il est vrai que Sarah Morris applique la peinture sur la surface des toiles de la même manière qu’elle assemblerait un parquet ou, qu’elle tracerait des lignes de circulation routières, que l’exposition sent la résine plastique et les solvants caoutchouc, l’inertie de ses matériaux n’est pas une fin en soi. Si elle s’y apparente, l’œuvre de l’artiste ne peut se résumer à celle d’un fabuleux maçon construisant des tracés sans aucune jouissance du trait. Les réseaux qu’elle met en place ne sont pas qu’efficacité et purs produits d’enchainements souples et complexes aux raisons obscures. On peut comprendre leurs fins et leurs origines si l’on accepte de résister à la tentation de se laisser bercer par leurs entrelacs. Leur évidence n’est pas que le fruit d’une composition rigoureuse, bien au contraire, celle-ci est la conséquence de simplifications radicales d’un réel imperceptible, mais implacable, que l’artiste nous restitue.

Ainsi, la peinture de Sarah Morris demande de parler d’elle, de se concentrer sur ce que l’on n’a pas vu et que l’artiste, elle, n’a pas raté. Elle nous donne une seconde chance de voir.

Mais l’exposition présente aussi Point on a line, une vidéo de plus d’une demi-heure dans laquelle on plonge en un clignement d’œil. Il y est question d’architecture moderniste. Mais l’on peut aussi bien se passer de le savoir. Le défilement des images est associé à une bande son composée par Liam Gillick, ensemble ils s’entraient dans une course linéaire et haletante. Celle-ci fonctionne à peu près comme les peintures de l’artiste, sauf que dans ce cas l’étrange familiarité de son travail trouve un début d’explication. Sarah Morris filme des moments banals, selon des plans banals, mais qui scènes après scènes font apparaître l’omniprésence de ces lignes que l’artiste voit partout dans nos vies et dans les images qu’elles produisent. Au fur et à mesure qu’avance la vidéo, et que le travail de montage de  élimine les distractions, les structures commencent à apparaître. Fascinantes.