La peinture de Marc Desgrandchamps fait partie de celles que l’on semble avoir toujours connues, d’où la difficulté d’en proposer une grande rétrospective sans plonger dans l’ennui. C’est pourtant avec une réelle perspicacité que le Musée d’art moderne de la ville de Paris s’y emploie. Il a fallu faire des choix, et ils ont été faits.

L’exposition se parcourt comme un train qui démarre sous la pluie et finit sa course sous le cagnard. Les murs sont recouverts des paysages de Marc Desgrandchamps qui forment des suites fuyantes priées par une force de gravité lente et implacable. Les marques les plus évidentes de ce tropisme sont les coulures qui contrarient les perspectives mises en place par l’artiste et donnent à ces espaces verts une troisième dimension qui n’est pas la profondeur mais le temps. Le regard se porte doublement loin, d’une part sur la surface fluide et limpide des champs colorés mais aussi le long d’indéfinis souvenirs qui se lèvent automatiquement tandis que l’on parcourt les peintures. La méthode en place fonctionne parfaitement, on beau aller à la peinture suivante, encore et encore, elles sont toutes faites de ce même doute, de cette même probabilité d’avoir oublié.

Les formes qui remplissent ces paysages sont autant d’objets que le regard peut manipuler dans tous les sens. Ils délimitent le déroulement des scènes. Au début, les sujets sont graves, ils forment des constats, le regardeur arrive toujours après que la scène ait eu lieu. Puis, à mesure que le ciel prend plus de place dans l’espace de la toile, l’attention se décale et passe de l’autre côté de l’action, l’avant. En lui les sujets glissent, potelés de femmes sans épaisseur, de cactus mis sens dessus dessous, de châles, et des motifs qui les couvrent, mais et aussi quantités d’autre choses qui sont présentes dans le seul but d’être oubliés. Et puis aussi il y a beaucoup d’objets de plage, souvent en plastiques, et dont la matière brillante et colorée est rendue par des traînées de couleurs un peu plus appuyées que les autres.

L’artiste utilise beaucoup de noirs, ils lui permettent d’appuient le découpage de l’espace et d’imposé une forte lumière. Mais délavés par le soleil, leur teinte est un peu vitreuse et pâlotte. Tout comme le reste des couleurs qui sont encore plus hésitantes.

Tous ces champs colorés, cette narration fluide qui charrie lentement son contenu vers le large, tirent le regard comme un drap sur la surface des toiles. Tout comme les couleurs qui les recouvrent, elles semblent avoir été trop lavées, trop pendues et séchées sous de la Méditerranée.