Sous les hauts plafonds du Palais de Tokyo, Alexandre Singh a conçu un petit théâtre : La critique de l’école des objets. Il est constitué d’une estrade clôturée par quatre parois suspendues et placé au centre d’une salle tapissée de lourds rideaux noirs et recouverte d’une moquette de la même couleur. La pièce qu’a écrite l’artiste se joue au centre.

Sur l’estrade, sept objets, soclés et mis en lumière, discutent à mesure que les convives arrivent et prennent part aux conversations sur l’art et les mouvements d’airs que l’on brasse autour. Les locuteurs sont caustiques et pleins de drôlerie, tour à tour ils soulèvent les ficelles du discours sur l’art, font des nœuds et envisagent les petites tracasseries qui gravitent autour. Les propos sont souvent séduisants mais finissent toujours pas tomber à l’eau, même si le grand débat qui sert de fil rouge à la pièce continue de renaître à chaque fois qu’un nouveau personnage décide d’y déverser ses avis et humeurs.

Rapidement, on comprend que les sept objets réunis dans cette installation incarnent eux-mêmes La critique de l’école des objets, l’œuvre qu’ils discutent. Mais il apparaît que ce n’est pas seulement l’art qui y est en question. Puisque ces protagonistes dans leur caverne parlent d’eux-mêmes sans en avoir conscience, et que les spectateurs qui observent le savent, ce jeu de dupes entraîne une mise en abîme qui fait rapidement  remonter doutes et souvenirs sur nos propres saillies verbales. De fait, l’observateur de cette installation est intimement pris à parti dans ce face-à-face où il a le sentiment d’être l’un de ces objets. Et plus on se reconnaît en eux, plus on rit d’eux, plus ces objets nous sont désagréables. On en vient à essayer de jouer quelques coups d’avances, d’anticiper les réparties pour se prouver que nous ne sommes pas coincés dans ces automatismes si prévisibles. Mais la pièce est bien écrite et l’auteur semble connaître ses classiques par cœur, il nous devance toujours.

Pourtant, et heureusement pour nous, Alexandre Singh ne connaît pas le fin mot de cette histoire. Après 40 minutes durant lesquelles il semble toujours plus fin et plus habile à faire rebondir la conversation, la scène s’arrête en queue de poisson. Tout autant que nous l’artiste est le jouet du débit de l’histoire. L’exercice dans lequel il s’est risqué ne pouvait que choir in fine. Mais cela ne soulage pas pour autant le doute créé par la pièce.