En termes de commissariat d’exposition il existe bon nombre de chausse-trapes. Toutes ne sont pas insurmontables et même certaines sont devenues des lieux communs ; elles n’en sont pas moins dangereuses et glissantes. Le féminisme est l’une d’entre elles. La galerie Christophe Gaillard tente le coup.

Le sujet est grave, mais Hélène Delprat, qui assure le commissariat, nous rassure dès l’entrée grâce à l’œuvre de Pauline Curnier-Jardin : Ça y est je suis plus pucelle ! L’artiste y pose avec dérision, bras dessus bras dessous avec un bonhomme de neige ; et se paye même le luxe de sourire, aux côtés de son homme froid et empoté.

Trois figures tutélaires chapeautent l’exposition. Virginia Wolf, à qui l’exposition emprunte son titre, Claude Cahun et Valie Export. Les deux premières ont en commun leur air peu commode et leurs mines renfrognées, toutes se sont distinguées par leurs luttes contre les déterminismes sexistes. Virginia Wolf est présente grâce au travers des pages de son livre, ainsi que par plusieurs photographies d’elle installées en un petit mausolée. De Claude Cahun, on peut observer Self-portrait où elle pose en bouddha, et Jersey où elle fait la femme rocher. Valie Export se met en scène, marquée dans la chaire de sa cuisse par le tatouage d’une attache de porte-jarretelles. S’ajoute à ces images le travail d’Hélène Delprat qui reprend dans son œuvre plusieurs figures féminines dont celle de Claude Cahun.

Diva Reincarnation est une vidéo de Katarzyna Kozyra dans laquelle l’artiste, vêtue d’une peau de femme, danse à l’intérieur d’une cage. Ainsi grimée dans ce corps chauve, trop ample pour elle, elle singe la gestuelle des strip-teases. Doublement enfermée dans la vidéo et la cage, l’artiste ressemble à une enterrée vivante. L’image est d’autant plus grinçante que l’on ne croise pas le regard de celle qui danse pour nous ; nous, rendus coupables de n’avoir rien demandé.

L’œuvre de Seulgi Lee avance elle aussi le visage cachée. Une femme en chaussettes, et entièrement drapée de tissus floraux, pose à coté d’une boite à lettre taguée par des indépendantistes corses. Elle n’a pas de chaussures et reste sur le pas de la porte. Le cou enserré dans ces étoffes printanières, saucissonnée de partout, presque momifiée, cette Afghane en Corse voisine, inerte, avec les revendications du slogan. Ailleurs dans l’exposition, plusieurs œuvres de Vanina Schmitt sont installées dans une petite vitrine. On y trouve tout un petit monde familial dans lequel l’artiste s’accapare tous les visages.

Ces travaux, à mi chemin d’un jeu de sept familles et des branches tordues et redondantes d’un arbre généalogique, sont à l’image de la complexité du sujet. Forts parce que lancinants, répétitifs par nécessité.