Visiter l’exposition Richard Prince à la Galerie Gagosian, c’est être témoins d’un amusant équilibre. L’entrée est plus grande que celles de certaines galeries, et ce n’est pas le front dédaigneux de l’accueil qui nous reçoit mais un agent de sécurité bien veillant.

Comme toujours, Richard Prince a le nez collé sur le sexe dans son acceptation la plus populaire, celle de papier glacé qui hante et précède souvent la réalité tactile. Dans cette série la trivialité sur chaise longue se télescope avec le nus gras de de Kooning.

C’est un travail de nivèlement que l’artiste met en œuvre quand il s’empare de ces peintures. Il les replonge là où – semble-t-il dire – elles n’auraient jamais dû s’échapper, les draps poisseux d’une nuit d’amour. En l’occurrence Richard Prince découpe, agrandit et ajoute aux peintures les éléments de base qui manquent à ces figures déchainées. Et ce sont tout simplement des hommes. Il introduit littéralement les corps des femmes avec l’entre-jambe d’hommes en slip. Cette manipulation et aussi pour lui l’occasion de situer la scène sur des fonts lumineux et colorés, où les couples ne peuvent rien faire d’autre que savourer leurs ébats et se chatouiller sous nos yeux. Ce faisant, il ne fait ni plus ni moins que pousser le geste du peintre à son paroxysme, Richard Prince est le Manet qui vient prendre place aux côtés de la femme nue de de Kooning.

Tout cela n’a plus rien de choquant, mais le geste comporte une bonne dose de satisfaction pour celui qui regarde. D’autant que l’artiste n’est pas pris de la même gestuelle ravageuse que le peintre, les travaux de Richard Prince gardent toujours cette même facture lisse et poudrée qui les caractérise. Il n’entre pas dans l’acte de de Kooning, il s’empare de ses images pour les assouvir. Une façon de dire qu’il regarde mais qu’il ne touche pas. Ce travail est essentiellement un plaisir mental.

Ainsi, ce qui est montré ici se rapproche des images que nous pourrions nous-mêmes avoir en tête en sortant d’une exposition de Kooning. Richard Prince, qui a dû trouver ces femmes entêtantes, a fini par les coucher dans ses œuvres.