À l’occasion de l’exposition de Gregor Hildebrandt, la galerie Almine Rech plonge dans les années 80. L’artiste allemand, qui utilise les cassettes audio et leurs bandes magnétiques comme principal matériau, transforme ces frêles rubans en une surface réfléchissante, dure et relativement inodore pour tous ceux qui sont nés après l’an 2000.

En entrant, le regard est rapidement happé au fond de la galerie par Das Mosaik – À ce soir qui remplit tout un pan de mur. L’œuvre est un gigantesque meuble de rangement pour cassettes, elles s’alignent devant nous – des milliers de boites aux jaquettes noircies enfoncées dans un bois clair. De loin, une figure se dessinait sur l’ensemble ; Sophie Marceau apprend-t-on sans vraiment la reconnaître. De près, ce travail se résume à l’alternance des compartiments et des cassettes. La collection a quelque chose de majestueux, on se souvient des heures d’enregistrements suivies par des mêmes heures d’écoutes en voiture ou dans son walkman. Pourtant c’est un panthéon déchu qui nous fait face. Ces images appartiennent au passé, et dans le cas présent elles n’offrent même plus la possibilité de déchiffrer leur contenu. Seule demeure Sophie Marceau.

Plus avant dans l’exposition, l’artiste présente de grands tableaux recouverts de bandes magnétiques brunes aux reflets lumineux. Elles sont parsemées de carrés blancs et noirs qui correspondent aux extrémités des bandes. Ce matériau qui, pour tant de personnes, a été le support quasi magique de l’indépendance musicale, se voit déposé et aligné comme l’on démaillote une momie, offert au regard des profanes tel un codex au Louvre, inaudible et décoratif. Notre regard s’y reflète et ne renvoie que l’absence de contenu. Par moment, Gregor Hildebrandt incorpore à la surface quelques éléments personnels, des références musicales ou cinématographiques. Lui seul sait ce que contenait les enregistrements qu’il utilise, mais cela n’a probablement que peu d’importance, c’est la dimension collective de ce matériau que l’artiste manipule, sa capacité à être réinvesti par le regard. Exit la musique et les émissions de France inter, seule reste la mémoire du bruit des cassettes lorsqu’on les rembobinait.

De même, il n’est pas nécessaire de reconnaitre Greta Garbo dans ses portraits pour être empli de mélancolie. Ils ont eux aussi ce teint magnétique et obsolète – vieilles gloires peut être -, dont on ne retient que l’aspect tactile.