L’artiste, c’est bien connu, aime les blagues sérieuses et littéraires, les queux de poissons aux références épiques. Son travail est avant tout réflexif et se construit comme des jeux de miroirs qu’il biaise et floute aussi habillement qu’on le croit naïf. L’exposition en cours à la galerie Yvon Lambert en est un amusant exemple.

L’artiste a invité une troupe de cirque à réaliser l’accrochage d’une série de monochromes peints à la hâte à l’occasion de l’exposition. Durant cette performance, une photographie a été prise pour chaque tableau accroché. Les clichés ont ensuite été soigneusement encadrés et mis en vente dans le premier espace de la galerie. Les toiles sont, elles, déjà aux murs dans le second espace.

Face aux photos on regrette un peu d’être venu, de plus l’accès aux monochromes est barré, si bien que seuls les visiteurs curieux peuvent les apercevoir en se penchant un peu. Pas d’explication. Rien. Tout ce cirque pour si peu ? La réponse est oui, et on la doit à l’élégance de Jonathan Monk qui a catégoriquement refusé que les peintures puissent être visitées. C’est pour cela que l’entrée de la seconde salle nous est barrée. Par une poussée de dignité, que seuls peuvent se permettre les artistes célèbres pour ne pas avoir grand chose à vendre, il nous refuse la médiocrité des toiles tout en nous assommant avec celle des photographies. Circulez, il n’y a rien à voir ; sinon que l’artiste se moque bien des codes en vigueur dans le monde de l’art, qu’il fait ce qu’il veut, et tout particulièrement quand il ne veut rien faire.

Les amateurs qui auront envie d’acquérir une œuvre auront alors un monochrome accompagné de la photo qui va avec. S’ils décident de l’accrocher, ils s’engagent à le faire faire par un artiste de cirque ; Jonathan Monk est un chic type qui tient personnellement à donner du travail aux clowns, trapézistes et autres monsieur Loyal. Autre signe de sa bienveillance, il signe un joli néon rose Circus, grâce auquel la galerie sauve les meubles et s’assure une vente.

On ressort finalement de l’exposition le sourire aux lèvres, mais fallait-il encore se faire expliquer pourquoi.