Pour cette exposition Sarkis adopte le terme opus. Un mot que l’on rencontre plus fréquemment dans le domaine musical que dans celui de l’art contemporain. Il s’agit de travaux fait à partir de traces de doigts, des empreintes qui forment, posées les unes à la suite des autres, des plans architecturaux. Ces dessins de grands formats sont ensuite ceinturés d’un néon blanc qui donne un léger halo.

Cet ensemble est d’une grande clarté. Chaque plan est réduit à la plus simple expression de son tracé. Les bâtiments en question ne sont reconnaissables que de ceux qui en ont déjà vus les plans, pour les profanes ils apparaissent comme des circuits imprimés, des schémas ésotériques ou encore des broderies buis dans un jardin à la française. Ce ne sont que des signes.

Observées quelques pas en arrière, leurs caractéristiques architecturales se détachent doucement des signes géométriques qui les composent. Il y a là de grands édifices religieux, politiques et civils ; on trouve entre autre l’Alhambra de Séville, le Jewish Museum de Berlin, et le Bryn Mawr College dormitory de Philadelphie. Chacun de ces dessins donne une ou deux couleurs différentes au bâtiment qu’il interprète, ce qui les singularise légèrement et leur donne un fond de personnalité. Sans cela ils ne seraient tous qu’une autre association d’arrêtes, d’angles, de droites et de parallèles.

Observées de plus près, les empreintes digitales de l’artiste émergent des pointillés qu’elles composent. Les motifs géométriques disparaissent alors et laissent la place à une économie d’ovales irréguliers au cœur desquels une infinité de courbes se couchent les unes contre les autres. Toutes ces circonvolutions plus ou moins appuyées donnent une pulsation animale aux tracés.

Ces œuvres aux unités de bases organiques et à l’aspect si rigoureusement mathématique condensent ainsi le duel permanent de l’architecture. Il y a la beauté formelle et la vie en elle. L’artiste qui prend ici des cas idéaux, des réalisations admirées et saluées, mélange tout de même bâtiment habité et bâtiment visité. Il se les approprie, les met à plat et les numérote comme des partitions, des opus.

Le visiteur est finalement renvoyé à sa propre image, son propre touché face à Forbeppu n°1, un grand miroir monté sur un chevalet où le reflet du visiteur se mélange aux marques des doigts de l’artiste.