L’exposition commence sur les premières œuvres de l’artiste, une surprise. Cette rétrospective fait la part belle à ce corpus antérieur à la frénésie verrière qui prendra Jean-Michel Othoniel par la suite. En les découvrant on comprend qu’elles sont essentielles ; les questions autobiographiques qu’elles soulèvent donnent un fil conducteur à l’exposition.

C’est un travail très empreint du souci du corps et de sa représentation mystique.  L’artiste s’intéresse à la dimension tactile et vaporeuse. Il n’y a donc pas de visage dans Héliographie bleue, pas plus que dans L’autoportrait en robe de prêtre. De même, ces œuvres sont souvent touchées par la corrosion, Les insuccès photographiques et L’évidence même supportent les traces de cette dégradation chimique. Pour cela Othoniel utilise le souffre, ce matériau dangereux donne aux œuvres un contact acide et une texture sèche. Sans prendre de gants, le corps dont parle Othoniel est intouchable.

Les figures féminines ont une importance de premier plan. Il en donne une vision caustique dans Femme intestin, où il souligne les formes littéralement viscérales des corps féminins dans la peinture occidentale. Ce faisant, il lance aussi un appel à la douceur charnelle, que ce soit au travers des Tits painting, ou quand il fouille le ventre de L’hermaphrodite. Orifices et veloutés sont omniprésents dans cette première partie de son travail. Mais ce n’est jamais ni tout rouge ni tout rose.

Au terme du premier tiers de l’exposition l’intérêt de l’artiste bascule pour une autre substance, le verre. Cette matière molle, pâteuse, brûlante et incandescente quand on la travaille, devient dure, brillante et rassurante au terme de sa transformation. De là vont naître des milliers de perles, formant autant de Harnais, de Larmes et autres Amants suspendus. Il est toujours question de corps, mais ils sont ici pétrifiés. Le bateau de larmes associe le verre au bois usé d’une barque sans âge. Cette œuvre charnière dans l’exposition indique un changement dans la production de l’artiste, l’intimité se fait plus douce, la douleur est moins à vif. De jolies Bannières colorées viennent former un espace protégé autour de Mon lit. Ainsi, sans savoir pourquoi, l’histoire vire au conte de fées.

La dernière salle est le cabinet savant d’Othoniel. Les perles y forment des nœuds, des rivières et des colliers, auxquels on prête tous les pouvoirs magiques. Diary of happiness est un immense boulier faisant un bilan un peu mièvre du travail de l’artiste. Une sorte de joli « happy end » que la scénographie redresse tout de même en forçant les visiteurs à repasser par les deux premières salles et leurs ambiguïtés.

Cette exposition remet bien le travail de l’artiste en perspective. On comprend mieux le contexte autobiographique de ce travail, et la lente dérive qui l’a mené à pondre ces chapelets de perles. Elle donne l’occasion de dissocier l’artiste et la bimbeloterie, d’en recomposer un portrait plus complexe.