En entrant dans l’espace d’exposition Rennais sans s’être renseigné sur les occupants, on se dit immédiatement : tiens, voilà du street art sur toile. Mais une fois le nez dessus on se rend compte que ce sont qu’impressions.  Ida Tursic et Wilfried Mille reproduisent leurs essais de couleurs, originalement sur papier A3, en très grands formats. On reconnait les scotchs, les petites déchirures et les coulures dues au nettoyage et à la purge de leurs outils. Ce sont les petites didascalies du travail des artistes élevées au rang et aux dimensions d’œuvres de plain-pied. Elles deviennent des travaux autonomes qui ne gardent que les couleurs et le titre de l’œuvre qu’elles ont accompagnée à naître.

Le résultat est souvent heureux, et bien qu’aléatoires dans leur fabrication ces images semblent adroitement composées. Évidemment ce n’est pas toutes les feuilles d’essais qui sont par la suite agrandies, il y a une sélection.  Mais quid de l’œuf ou de la poule, on finit par se demander si les deux artistes ne pensent pas à leurs agrandissements au moment où ils maculent leur papier brouillon. Et dans ce cas, si collusion il y a, quel est l’impact de ces décisions sur les œuvres en création ? L’exposition ne donne pas de réponse. Mais elle propose en parallèle une œuvre qui concentre en elle plusieurs méthodes et séries. Elle mixe les taches hasardeuses avec une peinture hyper réaliste, composée d’une naïade et d’un symbole hollywoodien. L’empilement qui en résulte recontextualise laborieusement ces éléments, cela les rend précaires, et pour le coup les pousse à rejoindre l’iconographie des murs tagués.

La Black Room, nouvel espace dédié aux projections de films d’artistes, présente une animation de Simona Denicolai et Ivo Provoost. Fort peu attractive au premier abord, elle est un piège d’une minute trente savamment orchestré. On se laisse facilement ennuyer par son style 80′ puis, brutalement, on est surpris par la boucle. À ce moment on est à peine capable de se souvenir de ce que l’on a vu 30 secondes auparavant. On reste donc pour la revoir – c’est presque désagréable – on se force – mais l’effet est garanti !