Anthony McCall présente son installation lumineuse Between You and I dans la sacristie du collège des Bernardins. Pour y pénétrer, il faut pousser une petite porte perdue tout au bout de l’immense nef qui fait office de hall d’entrée. Là un panneau nous indique que nous sommes au bon endroit, et un autre nous invite à bien refermer la porte derrière nous. Ainsi commence la visite.

Un escalier d’un demi-niveau nous mène dans le noir le plus complet. Il faudrait, semble-t-il, un peu de temps pour s’habituer à l’obscurité, mais dans ce trou rien ne filtre sinon les signes que l’artiste projette au sol. On avance donc à tâtons, les murs de pierre froide ne sont d’aucune aide, et la présence d’un pilier au centre de la pièce est le seul repère solide de l’expérience.

Deux sources lumineuses au plafond émettent chacune un filet de lumière venant se poser au sol. L’œuvre est ainsi constituée de ces glyphes blancs et impalpables que l’on aperçoit tremblotant à nos pieds. Si l’on reste suffisamment longtemps, ou que l’on a prêté attention à la description de l’œuvre dans la brochure, on assiste à la lente évolution de ces images. Le mouvement des lignes de lumière est pratiquement imperceptible, mais avec patience on peut l’observer composer des courbes et des cercles, qui se rejoignent, se croisent et s’associent entre eux. Les deux projections sont séparées par le pilier, elles se répondent de chaque côté de cette colonne dont on sait qu’elle est un symbole traditionnel de l’annonciation. De part et d’autre, les faisceaux effectuent leurs danses mais ne se font jamais réellement face. Seule l’obscurité de la mise en scène nous permet d’assister à cette lente conversation. Sans être plongés dans le noir, nous pourrions tout aussi bien passer devant sans ne rien voir d’autre qu’une colonne au centre d’une pièce vide. Si à n’importe quel moment quelqu’un allumait la lumière, toute l’installation disparaîtrait d’un seul coup. Et cet « entre vous et moi » que fait apparaître l’artiste redeviendrait une vue de l’esprit.

Par chance, ou par malheur, il est impossible d’actionner quelque interrupteur que ce soit. Le dernier mot revient donc à Anthony McCall. Il ne donne certes pas le sens précis de ces messages, mais il nous force à entrer en condition pour le percevoir. L’illumination n’est de toute manière que de courte durée, puisqu’à peine sortis de la sacristie il nous faut à nouveau traverser les étals des marchands du temple : librairie et restaurant.