La galerie présente une exposition de groupe, confrontant des artistes se situant tous dans l’intervalle entre ce qu’il y a à dire et ce qu’il y a à montrer. Ce regroupement emprunte son nom à l’un des participants, Stefan Brüggemann, qui met à disposition les titres qu’il conçoit.

Le visiteur est tout d’abord attiré par la confrontation entre deux œuvres monumentales autant que conceptuelles, Interchangeable, généralisé, définition/méthode n°49 de Claude Rutault, et Peinture en forme de flaque de Miguel-Angel Molina. Toutes les deux reprennent l’orange vif et onctueux de deux pans de murs pour construire leurs présences. Sur le premier, la peinture vient s’épingler avec précision, dans l’autre elle glisse pour former au sol une flaque brillante. Voilà deux rares cas où la matérialisation d’une œuvre prend naissance dans un énoncé et le dépasse dans sa réalisation.

Un autre couple d’œuvres retient notre attention. Il s’agit de Titled (Art as idea as idea) [Kossut] de Yann Sérandour, et son vis-à-vis Verso, Philippe de Champaigne d’Isabelle le Minh. La seconde montre littéralement le revers d’une œuvre. La première retourne le rapport mis en place par l’artiste Joseph Kosuth en en faisant le matériau même de son œuvre. Yann Sérandour choisit l’artiste et énonce une définition sur un fond noir, tout comme Kosuth le faisait lui-même avec une chaise, mais dans ce cas c’est l’article consacré à Kosuth dans le dictionnaire qui est choisit par l’artiste. Refermant ainsi un cercle tautologique et ironique. On observe une digression similaire dans l’œuvre de Jill Miller, I’m making art too, qui reprend une célèbre vidéo de John Baldessari, où celui-ci répète ad nauseam qu’il fait de l’art. Jill Miller vient ainsi coller son wagon au cul du train de l’art qui fait de l’art. Bien souvent ce genre de passage en force reste vain, mais la reprise de l’artiste capte un écho si vaste que l’on ne peut que s’y accorder.

L’exposition présente aussi deux œuvres de Karin Sander. Deux toiles envoyées par La Poste, et transformées par elle. Le procédé, bien connu et quelque peu atténué par le terme réducteur de Mail art, produit de manière cocasse de troublants monochromes. Les services postaux étant connus pour la rudesse de leurs agents, l’artiste détourne cette indélicatesse pour en leurs faire fabriquer ses œuvres. Ainsi les toiles qu’elle envoit se voient transformées par les manipulations et les dommages qui leurs sont causées. Soit l’effet inverse, de l’œuvre de l’artiste et commissaire de cette exposition, Isabelle Le Minh, qui développe un travail fastidieux menant à son propre démenti. Celui-ci, Listing/détail, consiste en un inventaire sans fin d’œuvres d’artistes.

Ainsi cette exposition développe une grande richesse en peu d’œuvres et très peu d’espace qui de par sa conception, évite les sécheresses et ne succombe pas aux facilités.