À L’occasion des vingt ans du groupe Tendance Floue, la galerie Les Filles du Calvaire expose deux de ces plus importants représentants : Pascal Aimar et Mat Jacob. Le fait que leur visibilité soit liée à un anniversaire, et non seulement à la qualité de leurs travaux, pose la question de l’autonomie d’une œuvre vis-à-vis de son contexte. N’aurait-on pu voir ces travaux sans avoir à voir Tendance Floue?

Au rez-de-chaussée, Pascal Aimar montre Figure(s), trois ensembles de portraits pris de si près, que l’on se les imagine volés. Ces regards partent presque tous dans le vide. Il y a  d’abord les visages de conducteurs de Car en Sac, puis ceux de Passantes et de Foule. Que ce soit des femmes marchant dans les rues de Bordeaux, toutes dissemblables mais unies par la quotidienneté de leur attitude, ou bien les visages extirpés d’une foule de piétons à Pékin, on reconnaît en chacun la lenteur inexpressive de nos faces quand elles sont seules. Pourtant, elles restent marquées par les stéréotypes de leurs époques ou de leurs origines géographiques. La série de visages asiatiques est ainsi criante de vérité sur le regard qu’on lui porte.

À l’étage se trouvent les travaux de Mat Jacob. Ces photos sont mélangées et mises en scène dans un accrochage guidant une lecture narrative des œuvres. Le regard ne peut s’empêcher de filer d’une image à une autre, et construire dans son sillage les éléments romanesques d’une histoire. Il n’y a pas d’autre choix que de s’approcher pour observer et détailler ces images. Mais même là, et aussi avec les photographies accrochées toutes seules, il est pratiquement impossible de ne pas se laisser entrainer à vouloir raconter. Il est vraiment frappant de se rendre compte à quel point on finit par s’écouter parler en regardant ces images. L’accrochage y est pour quelque chose, mais pas seulement. Ces clichés réussissent à ne jamais être neutres, et ces fragments articulés ont une bougeotte parfois agaçante, parfois stimulante mais qui ne laisse jamais indifférent.

Si ce n’est pas le propos de cette exposition de savoir comment dégager une œuvre de l’activisme dans lequel elle s’est impliquée, on peut néanmoins savoir gré aux initiateurs de cette exposition d’avoir su mettre en avant la qualité et la finesse du travail de ces artistes. La preuve en est – en sortant de la galerie on a le sentiment d’avoir vu une bonne exposition, en oubliant qu’il s’agissait de Tendance Floue.