En cette fin d’hiver la galerie a décidé d’ouvrir ses murs aux quatre vents, et de préférence les plus lointains. Il en résulte une exposition composée autour d’artistes aux adresses et aux origines des plus diverses ; Européens s’abstenir.

Ce qui étonne en arrivant c’est l’apparent vide qui occupe la galerie. Les artistes invités à évoquer leurs visions du monde ont dû penser qu’il valait mieux pour eux être discret. Pourtant une fois l’installation de Glenda Leon branchée par le personnel de la galerie, une douce musique envahit l’espace et se met à le rendre plus bavard. Cette œuvre sonore fait jouer des moulins à musiques, ils représentent chacun un dieu ou une essence divine. Ils chantent ensemble une mélodie qui n’a rien de cacophonique. C’est une façon gentille de dire que la tour de Babel peut aussi se construire dans l’harmonie.

En règle générale le monde et ses ailleurs proposés ici ne versent pas dans l’exotisme. Les réalités montrées, et qui pourraient parfois être les nôtres, s’incarnent dans des créations sensibles ou le culturel ressemble à des reliquaires. Mais des reliquaires vivants, où les signes du passé s’associent à ceux du présent. Les photomontages de Karen Miller ont un air de Troisième République triomphante, mais leurs cœurs est largement plus au sud que Marseille. Ces photographies sont à la fois désuètes et en même temps très parlantes, les Vénus et les fleurs des îles ne sont pas que des mirages pour touristes.

Les peintures d’Abderrahim Yamou ont aussi un air qui fait songer aux billets en Franc CFA, autant par leur graphisme appliqué que par leurs camaïeux de gris et leurs symboles indéchiffrables. On retrouve cette douceur des colonies, dans cette Atlantide habitée d’algues et d’organismes unicellulaires de l’artiste.

Par contre, les photographies en noir et blanc des cubains José Ney Mila Espinosa et Tomas Barcelo Cuesta butent sur une réalité plus dure. Chez eux les tropiques ont perdu de leurs éclats, et la vie y semble plus défraichie.

Majida Khattari s’empare, elle, des codes de l’orientalisme. Pas forcément pour les dénoncer, ni pour leur faire reprendre des couleurs, elle en parle avec la voix d’une femme d’aujourd’hui, il en est d’autant plus facile de l’entendre. Merci à elle d’être intelligible.

On ressort donc de cette exposition pas trop complexé par notre position d’occidentaux. Ouf, on ne peut pas faire constamment pénitence.