L’artiste allemand Daniel Lergon présente chez Almine Rech ses derniers travaux. Les murs blancs du rez-de-chaussée de la galerie se voient recouverts de grandes peintures blanches, presque imperceptibles aux premiers abords.

On est tout d’abord surpris par l’étrange matière des toiles qu’il utilise pour peindre. On pourrait presque penser qu’il s’agit de skaï de mauvaise qualité. Il s’agit en fait d’un tissu rétro-réfléchissants. Il a la particularité de diffuser la lumière de manière plus opaque, d’où le sentiment d’être perdu dans le brouillard quand on le regarde.  L’aspect brillant et laqué de ces matériaux pourrait laisser croire qu’il est rigide si certaines toiles n’étaient pas traversées par une couture. Ces cicatrices ne sont refermées que par un fil, qui assemble verticalement deux morceaux de ce tissu.

Cette particularité n’entrave en rien la douceur qui émane des œuvres de l’artiste. Ces grandes toiles claires, aux reflets colorés et fluorescents, ont une onctuosité lisse sur laquelle notre regard glisse lentement pour s’éparpiller parmi les nuances dorées, jaunes et grises laissées par l’artiste. Ces traces, que l’on prend parfois pour des objets, ne sont en fait que des mouvements souples et calligraphiés. Les formes qui en résultent tendent à disparaître dans le fond qui les supporte, elles ne sont parfois plus que la marque d’un passage. Un peu comme celles laissées par les escargots sur les surfaces qu’ils traversent.

À l’étage, d’autres œuvres de Daniel Lergon voisinent avec deux œuvres de Gregor Hildebrandt. L’association de ces travaux fonctionne très bien, bien qu’elle soit probablement fortuite ou due à un besoin conjoncturel de la galerie. Toujours est-il que cela fait partie des plaisirs inattendus lorsque l’on en visite une, et que celle-ci offre un contrepoint.

Un autre espace regroupe des dessins de Joe Bradley. Ils sont de formes et de tailles variables, et pourraient évoquer des jeux d’enfants si l’artiste n’avait pas aussi souvent recours à des formes phalliques. C’est à la fois amusant et dérangeant d’associer la maîtrise d’un style de halte-garderie et une iconographie en érection permanente. Le trouble est d’autant plus grand que l’on doute souvent qu’il s’agisse vraiment de cela, ce ne sont que des cercles, des courbes et des zigouigoui, rien d’absolument équivoque. On en vient à se questionner, à s’imaginer voir le mal partout.