En arrivant la galerie Loevenbruck les passants sont depuis quelques temps accueillis par une haie de drapeaux tricolores. Il y en a une dizaine, comme à la parade, tous dressés sur le fronton de la galerie. Ils sont en fait une œuvre de l’artiste Bruno Peinado, Sans titre, I just wasn’t made for this time, et ils ne sont pas aussi fiers que l’on ne le croit au premier abord. Parce que si le premier de la ligne est gaillardement bleu blanc rouge, les uns après les autres voient graduellement leurs couleurs se délaver, et le tout dernier se retrouve d’un blanc pisseux. C’est une haie d’honneur à bout de souffle, une haie fatiguée.

En pénétrant dans la galerie les couleurs reprennent en vigueur ce qu’elles perdent de protocolaire. Bien qu’ici encore les trois couleurs du drapeau français soient mises à contribution dans la sculpture Sans tire, Who’s afraid of red, white and blue, after Kintera. Elle reprend une œuvre de l’artiste tchèque en la faisant passer à la moulinette des studios Disney. Il en résulte un jet, d’une consistance crémeuse et rayée bleu, blanc, rouge.

Ce n’est pas la seule œuvre qui reprend les codes Disney. Sans titre, Kinky afro reprend le geste des sportifs noir-américains aux J.O. de 1968 à Mexico et l’attribue au bras de Mickey. Cette œuvre résonne en nous comme un triste constat de la réalité. Aujourd’hui cette image est devenue un symbole disponible pour le marketing, un symbole mou et creux qui peut être incarné par un bras noir avec un gant blanc.

Une même méthode régit l’œuvre qui est disposée tout à côté. Sans titre, love long distance est une pomme bien rouge recouverte d’un masque de mort, toujours dans ce style si reconnaissable des dessins animés. Blanche-Neige n’est pas loin, et le conditionnement qui nous marque fonctionne à plein régime, pas une seconde nous ne doutons de reconnaître l’allusion de l’artiste.

L’exposition propose aussi quelque autres habitudes de Peinado. Il y a là des smileys, de la xylogravure, et des néons. Mais on ne voit pas bien, parmi ces œuvres, lesquelles auraient pu être préparées à la dernière minute, comme le suggère l’artiste dans l’extrait d’entretien proposé dans la notice de l’exposition.