Repérée partout cette année, Farah Atassi présente ses peintures récentes dans la galerie parisienne Xippas. Cette première exposition monographique est un peu la suite logique du succès qu’ont eux les travaux de l’artiste. La dizaine de peintures accrochées permet de se faire une plus ample idée de ce dont il s’agit vraiment.

Les compositions, pour la plupart, sont faites de grandes surfaces et d’espaces structurés sur un fond tendant au monochrome. Ici et là, quelques objets les habitent. Certains reviennent de manière récurrente, comme les bougies, les cafetières en fer blanc et le mobilier tubulaire. Tout comme eux, les autres sont issus d’un quotidien laborieux : brouette, ventilateur arrêté, néons et commode en formica. Voilà l’environnement dans lequel tout commence.

Il y a dans ces œuvres un goût assumé pour la peinture délavée. Souvent on a l’impression que les toiles ont été soumises à une fuite d’eau. À ces espaces picturaux attirés par le bas s’ajoutent d’autres espaces laqués et brillants. Ces couches de peinture, semblables à des films plastiques, viennent recouvrir les formes. Tantôt en laissant affleurer leurs matières, tantôt les couvrant d’un voile parcellaire. C’est un peu comme si un grand nombre de rideaux et de voilages s’agglutinaient pour former les peintures. Mais ceux-ci sont presque rigides, il n’y a pas un souffle d’air pour les faire frémir. Le visiteur ne peut que les regarder de loin, il est comme derrière un microscope, observant un monde infiniment lointain, mince, et plat.

On trouve du carrelage presque partout, cela donne un rendu très froid, très clinique aux substrats peints par l’artiste. Ils viennent recouvrir l’espace, ils le contaminent d’une présence opaque, mais que l’on imagine fragile. Il n’y aurait qu’à pousser sur les murs pour qu’ils s’effondrent. On devine qu’ils sont avec la peinture une empreinte de la réalité, un moulage de cette réalité qui, derrière eux, n’existe probablement plus. Ces peintures sont à l’image des corps pétrifiés de Pompéi. Il y a la forme, les traces de la vie et puis plus rien, sinon cette couche de couleur tenace et précise.

La galerie a bien eu raison de nous inviter à nous faire une idée de l’œuvre de l’artiste, on ressort de l’exposition en se disant que l’on n’avait pas vu autant de peinture fraiche depuis bien longtemps. L’artiste nous propose des œuvres en deux dimensions, des images matérielles qui ne nous prennent pas par quatre chemins. De la peinture, certainement.