Dans les cours Puget et Marly du musée du Louvre huit sculptures de l’artiste contemporain Tony Cragg ont été disposées. Parmi elles se trouvent de très classiques travaux autour de la torsade et de la stratification, l’une d’elles Red figure apparaît tel un spectre rougeoyant et furtif dans cet environnement si statique. On trouve aussi d’autres travaux, moins connus, évoquant les différentes directions que prend la sculpture de l’artiste. Parfois les formes stratifiées se ramollissent, comme Mixed Feeling que l’on peut voir comme un champignon vieillissant. Parfois aussi, on est étonné de ne pas reconnaître le style de l’artiste, et l’on admet bien volontiers que ces dix dernières années ont été complètement accaparées par les torsades au détriment du reste de la production.

Il est indiqué que cette exposition est programmée à la faveur de celle voisine sur le sculpteur Messerschmidt. Mais bien malin celui qui saura faire le lien. Cependant il est tellement rare de voir une exposition de sculpture qui ne soit pas d’archéologie, qu’en avoir deux d’un coup semble déjà une prouesse digne d’être soulignée. Alors pourquoi ne pas les marier ? Ont dû se demander les conservateurs.

Les œuvres sont disposées de sorte à entamer un dialogue avec la collection du musée. Manipulation, un poulpe couvert de caractères, voisine avec le Neptune d’Antoine Coysevox, des histoires de mer et de légendes se dit-on. À la base de la cour Marly trône Elbow, bien qu’en bois celle-ci s’intègre parfaitement à l’environnement, elle s’y plait comme chez elle. C’est l’une des plus belles réussites de l’exposition car elle ne demande pas de proximité sémantique pour faire admettre l’évidence de sa présence ici.

De l’autre côté, la cour Puget.  Tony Cragg y a disposé Ferryman, un objet aux formes organiques percé sur toute sa surface. Il évoque à la fois un pingouin géant et une grosse molécule. Faisant face aux Captifs de Desjardin, il a lui aussi l’air d’être entravé, entravé dans sa propre matière formée de couches et de sous-couches mélangées. Mais si les captifs semblent résignés, le Ferryman lui se débat. À ses pieds se trouve Sharing, une tête dont la mise en scène un peu trop appuyée l’associe à la sculpture voisine. On se met à croire qu’elle en fait parti, qu’elle a dû rouler hors de la sculpture. Mais elles sont belles et bien indépendantes l’une de l’autre.

L’artiste s’est aussi vu proposer d’installer temporairement une dernière sculpture juste sous la pyramide, à l’entrée du musée. C’est de fait la première œuvre que les visiteurs voient en arrivant, un bel hommage pour Tony Cragg. Pourtant, perchée sur un socle surplombant la vaste salle d’entrée, elle paraît bien petite. Elle a beau être toute rouge et faire trois mètres de haut, elle est faiblarde face au monument qui se déploie autour. Elle ressemble à un bouton d’acné posé en haut des escalators. Cela ne rend pas vraiment honneur à l’artiste, à moins que celui-ci ait le sens de l’humour.