L’exposition qui vient de s’ouvrir au centre Pompidou articule l’une des figures majeures de l’art moderne et le groupe auquel il a un temps appartenu. Mondrian et De Stijl : le visionnaire et la vision. Trois phases sont nécessaires pour bien exprimer les confluences et la séparation qui ont marquées les travaux de ces artistes.

Le premier espace retrace le parcours de Mondrian avant et au sein du groupe De Stijl. On y trouve de nombreuses œuvres de jeunesse. Les dunes, les moulins, les arbres, tous penchent déjà vers l’abstraction et compriment leurs formes dans le sens de la composition. L’artiste n’hésite pas à se battre avec ses sujets, les prendre à rebours pour leur imposer les structures qu’il entend y voir.

Puis vient la section entièrement dévolue à Mondrian, arrivé à ce point on a à peine regardé les œuvres de ses confrères. Seul Theo van Doesburg, le frère ennemi suggère de réels doutes en adoptant une approche plus fine, moins martiale, mais en définitive moins payante.

Avec l’arrivée de Mondrian à Paris, on sent que celui-ci pénètre de plain-pied dans l’histoire. Il exige de lui-même d’être un cubiste rigoureux et entre dans le rang avec autant de zèle que de réussite, ses portraits échappent à l’anonymat et ses compositions font preuve d’une compacité sans lourdeur. De la vingtaine d’années qu’il passe dans cette ville, date la conception du néoplasticisme, et peu à peu son éloignement du groupe. Dans un premier temps, il conserve des camaïeux cubistes le goût des nuances, puis les laisse de côté. Ses compositions s’affirment subitement au moment où toute référence à la nature disparaît. A partir de ce point, les salles s’enchaînent avec évidence, des lignes naissent les grilles, les espaces colorés, les barres qui se dressent comme au-dessus de précipices dans des carrés, des losanges et tous autres parallélépipèdes. On s’étonne qu’autant d’œuvres de Mondrian ne soient pas plus arides, mais les décalages que l’artiste insinue dans chacune de ses œuvres donnent le tournis. Il y a en elles une horloge qui tourne d’un rythme saccadé et qui ne laisse pas le temps aux visiteurs de s’attarder. Seuls les encadrements rigidifient la marche et parasitent le regard. Mais c’est bien peu.

Une troisième partie tente, assez vainement, d’ouvrir le sujet de la pérennité de De Stijl. En règle générale et à l’exception des plans d’architectures qui ont leurs propres saveurs tant qu’ils restent à l’état de plans, les réalisations du groupe sont en deçà de celles de Mondrian. C’est un constat un peu désagréable tellement on aimerait voir les travaux du maître dialoguer avec d’autres, mais il ne semble pas qu’il y en ait parmi ses confrères.