Cette exposition, à la gloire du collectionneur qui la présente, est disposée sur trois niveaux, dans de larges pièces, où tout est fait pour que les œuvres s’épanouissent. Pourtant, trop souvent ces œuvres sont le résultat d’équation sans inconnue, fruit d’un exotisme rabâché, formant un monumental coup d’épée dans l’eau. Et ce n’est pas faute d’aborder des sujets complexes ni d’ouvrir des pistes. La plupart de ces travaux sont hyper légendés et porteurs de mille et un symboles et références. Ils n’en restent pas moins statiques et didactiques.

Dans les premières salles, les totems kitsch d’Huma Bhabha donnent au côté des œuvres de Subodh Gupta la mesure des travaux présentés ici. Particulièrement bien produits mais creux, au sens propre comme au sens figuré.

Aux étages on trouve néanmoins plusieurs œuvres alliant grande simplicité et beauté intellectuelle. Et en premier lieu, l’installation Old persons home, de Sun Yuan. Dix personnes âgées sur des fauteuils roulants, dix personnes en habit de décideurs politiques, dix vieillards bavant, vains, et se cognant mollement les uns aux autres. Plus loin, on peut voir, Gost de Kader Attia efficace et directe, avec sa foule à genoux, fragile, concentrée, implorante, mais vide. Elle remplit totalement l’espace et oblige les visiteurs à n’emprunter qu’un couloir de côté, leur signifiant leur impuissance autant que leur rejet. Peu après, Chitra Ganesh montre sous le filtre des comics américains les stéréotypes collant à la société indienne. Tales of amnesia aborde abondamment les questions du sexe, de la superstition, et du déterminisme cosmique. Il s’en dégage quelque chose d’attrayant et à la fois de dérangeant, pince-sans-rire et un peu coincé.

On trouve beaucoup de peintures, mais peu parviennent à convaincre. Mais si les dessins d’Ahmed Alsoudani n’échappent pas aux références à sa Bagdad natale, ils se passent aisément de marqueurs spatio-temporels. Son œuvre graphique touche du doigt les peurs et les tremblements de la guerre. Elle est comme chargée de souvenirs que l’on ne distingue pas vraiment et que l’on maîtrise encore moins.

Posé dans un coin, le cœur de baleine à l’échelle 1 de Bharti Kher, An absence of assignable cause, semble vouloir incarner quelques causes. Mais il ne bat pas, et ressemble juste à un insecte géant recouvert de gommettes colorées. Le plan de Beyrouth de Marwan Rechmaoui, Beirut caoutchouc nous offre une vision à plat de la ville et de son étendue. Vue de la sorte, elle ressemble à n’importe quelle ville, sans stigmates et sans angélisme, noire et polluée comme ailleurs. Ni plus, ni moins.

Partout dans l’exposition on trouve des quantités de bricolages plus ou moins racoleurs. Wafa Hourani tente de nous tirer la larme à l’œil avec ses maquettes et sa musique orientale évoquant les camps de réfugiés. Idem avec Zhang Dali et ses moulages de travailleurs nomades qu’il voudrait impuissants et tragiques, mais qui sont bien plus le signe d’une vulgarisation et d’une mise en spectacle de la misère.