À l’occasion du centenaire de la naissance d’Eugène Leroy, le musée qui porte désormais le nom de l’artiste propose une rétrospective complète et militante de son travail. L’exposition démarre sur un très grand espace clair, où une vingtaine de toiles de formats quasiment identiques accueillent frontalement le visiteur.

De ce premier ensemble, aligné sur un mur bleu pâle et légèrement en hauteur, se dégage un sentiment de lenteur. La matière grasse semble couler et se répandre sur toute la surface des tableaux, elle les recouvre de sa torpeur, et leur donne une vie grouillante et purulente. Un peu comme une contamination que rien ne pourrait ébranler et qui après avoir envahi toute la toile continuerait à gagner du terrain sur elle-même. Malgré l’inconfort que l’on peut ressentir face à ces œuvres une réelle douceur entour ces œuvres.

De loin elles ressemblent à des paysages labourés et égratignés, et de près à de vieilles pommes fripées, cuites pour une tarte Tatin. Touffues comme des buissons, revêches comme un fond de jardin pas entretenu, les œuvres affirment une individualité et une indépendance étonnante. Là où l’on aurait vite cru ne voir que de pâteuses répétitions il y a une vie qui fourmille et revendique un phrasé propre et rigoureux.

Dans deux petites salles, une suite évoquant les quatre saisons prend l’aspect de cathédrales gothiques passées au laminoir. Elles sont faites de longs tracés verticaux qui les parcourent, et tels des labyrinthes, elles perdent le regard du spectateur dans leurs entrailles.  Les quatre toiles qui forment cet ensemble sont accompagnées de quatre autres plus petites datées de la même année. Et en sont peut-être les presbytères ou les jardins.

Partout cette exposition renouvelle la surprise, et même les œuvres de jeunesse ne semblent pas trop infidèles à l’œuvre de maturité. Les évocations bibliques n’ont pas non plus de lourdeur, associées aux nus, aux portraits et aux paysages elles balaient et redessinent la question des sujets. Rien ne compte guère plus que la peinture dans ce travail, le reste n’est plus là que pour remplir les cartels.