Jenny Holzer expose dans sa galerie parisienne une poignée d’œuvres qui incarnent l’acuité et l’efficacité que le travail de l’artiste déploie depuis toujours. En deux salles le visiteur est charmé, rassuré aussi.

La première montre au plafond une œuvre lumineuse faisant défiler un texte. On ne sait pas bien si l’on se trouve à la bourse ou dans une salle de jeux, on a du mal à suivre l’énoncé, et le tout est plongé dans une légère pénombre où l’on pourrait s’attendre à être témoin d’une apparition. Peut-être celle de la divinité de l’argent, peut être une autre. En l’occurrence l’œuvre fait courir des mots, les crache et les ravale à toute vitesse selon la formule bien connue de l’artiste. Presque tout dans la pièce donne le sentiment de pouvoir être aspiré par ce simple dispositif.  Que disent ces mots ? C’est dur à dire, le texte est rapide, en anglais et notre regard doit aller de haut en bas. Il est presque certain qu’à le lire entièrement on en saurait plus sur cette œuvre. Pourtant à en n’avoir lu que quelques-uns, on n’en sait pas moins. L’enjeu n’est pas dans le message. Juste derrière, se trouve accrochée au mur une œuvre peinte. On devine un texte, un autre message, celui-ci est presque entièrement recouvert de peinture noire, quelques mots subsistent pourtant : « top secret ».

Dans la seconde salle, d’autre peintures, toutes de formats identiques sur fond blanc. Contrairement à la première peinture que l’on voyait recouverte de la lumière changeante et fuchsia de l’œuvre lumineuse, dans cette espace les peintures sont bien visibles. Là aussi on devine des textes, mais à bien y regarder on comprend que ceux-ci n’ont pas été recouverts mais plutôt qu’ils n’ont jamais été tracés. Seule l’illusion d’une existence passée persiste. La mention « top secret » est apposée à chacune d’entre elles : rayée, elle suggère aux visiteurs qu’ils sont en présence de documents déclassés. Pourtant rien ou presque de leur contenu n’est représenté, à leur place, des rectangles noirs ou de couleurs forment la composition des textes. On en reconnaît les paragraphes, les alinéas, parfois un titre, mais rien de ce qui n’est plus secret n’est lisible.

Voilà deux types d’œuvres, chacune figurant la question des mots et de leurs sens, chacune montrant le double tranchant de leur séduction formelle et de leur charge communicative.