Carte blanche à Adam McEwen fait de but en blanc voisiner Stingel avec trois des célèbres têtes des rois de Juda décapités de Notre-Dame de Paris durant la Révolution. L’exposition, qui propose une ouverture sur l’étendue du cerveau de l’artiste et une plongée transversale dans les processus de création, donne ainsi le ton.

L’espace suivant est dédié à une installation de Michael Landy, toute de vert gazon synthétique et de plastique rouge brique. Constituée de caisses empilées à côté de structures métalliques et recouvertes d’amples morceaux de gazon, elle semble former un parcours de dressage pour chien. Le tout dans une atmosphère de déménagement peuplé de podiums olympiques.

Dans la salle qui suit, le grand espace courbe, une vidéo de Bruce Nauman et Frank Owen : Pursuite. Celle-ci figure une course où sont martelés les souffles et les foulées de corps secs et athlétiques qui fleurent bon les années 70, entérinant ainsi l’orientation de cette exposition vers cette période et les modalités de création qui s’y sont épanouies. Dans une autre vidéo Gino di Dominicis, qui avance régulièrement depuis quelques années sur le terrain d’une plus grande reconnaissance de son œuvre, tente de former des carrés à la place des ronds en lançant des cailloux dans l’eau.

L’accrochage est ainsi fait de beaucoup d’œuvres questionnant le rapport de l’artiste à sa capacité à faire ou à voir, les toiles de Nate Lowman poussiéreuses et discrètes en sont une bonne image tant on sent à leur contact l’élaboration dont elles ont fait l’objet. Ailleurs deux œuvres de Cattelan : -74400000 et Sans titre, 1991 montrent efficacement deux pans de cette recherche. D’un côté un coffre fracturé dont ne reste plus que le constat et de l’autre la déclaration du vol d’une œuvre qui n’existe pas. De l’une à l’autre – ces deux pièces ayant été arbitrairement liées – l’artiste arpente les possibilités laissées à lui par la modernité et sa descendance. Parfois le miroir tendu par l’artiste fait l’effet d’un coup d’épée dans l’eau, c’est le cas de la vidéo d’Hanna et Klara Liden. Techno battle, 2007, simulacre où l’on s’agresse déguisé et à coup de matériel informatique.

Kippenberger est présent avec un dessin et son Memorial of the good old time qui sent bon le caoutchouc, et que l’on voudrait crever pour voir se déverser sous les yeux du saint Florian prêté par le musée de Cluny tout ce que l’artiste aurait pu y mettre. Work no. 925 de Martin Creed est un rangement vertical de chaises probablement pas conçues pour l’être mais qui trouvent de la sorte un équilibre formel inattendu. Entre autres grands écarts on peut voir Sarah Lucas, Hains et Guston se faire face autour de l’œuvre de Rob Pruitt Esprit de corps, sorte de monument à la natation synchronisée. Non loin, une pièce de Reinhard mucha Norddeich mole qui pourrait s’apparenter à un retable constitué d’isolant s’ouvre, vide.

Qu’est ce qu’il y a dans la tête des artistes, à en croire cette exposition elles seraient principalement remplies par des petites choses, des mécanismes, des références, un environnement et aussi d’autres artistes. Michelangelo Pisotletto ne manque pas de souligner l’importance des oreilles de l’un des plus illustres : Jasper Johns. Au cas par cas on rouvre les yeux sur de petites habitudes, l’entêtement de Roman Singer, le goût des empilements de Creed, George Herold, lui, délimite, beaucoup parlent de noyade dans un verre d’eau.

Plus que les œuvres aux murs, le choix dans son ensemble nous montre des artistes en conversation, qui se pointent du doigt, regardent derrière et tentent inlassablement de contourner la quadrature du cercle.