Dans la continuité de l’exposition sur l’art en Russie qui s’est tenue l’an passé au Louvre, est présenté un groupe de travaux d’artistes contemporains russes. Contemporain rimant avec souterrain, cette exposition est donc proposée dans les sous-sols de l’espace du Louvre médiéval. Cela ne gâche rien, d’autant que toutes les expositions temporaires du Louvre se tiennent dans des locaux aveugles. Ce doit être la règle.

Parmi les artistes invités la plus part sont connus. Erik Boulatov, avec deux œuvres placées en tout début et à la fin de l’exposition, symbolise bien ce que l’on connaît en France de la production artistique russe. Un mélange d’ironie, d’austérité et de mélancolie dont on ne sait pas toujours s’il est feint ou profond.

Si la plupart des œuvres s’accommodent de l’atmosphère du lieu, l’installation Alexeï Kallima aurait peut-être demandée à ne pas être ouverte et déployée. Les palissades et les ouvriers qui la composent ont ici plus que jamais l’air de cache-misère. Plus loin une autre installation, d’Ilya et Emilia Kabakov. Celle-ci, se prête à merveille à la pénombre et à la lumière jaune des lieux. Constituée de trois grandes échelles qui montent pratiquement jusqu’aux plafonds, de néons et d’un grand nombre de paires de chaussures, cette œuvre, on ne peut plus représentative du travail de ces artistes, fait l’objet d’une notice tout à fait intéressante. Le texte se termine par l’injonction « Le spectateur doit se poser la question en voyant cet amas de chaussures : est-ce un miracle ou une tragédie ? ». Difficile de faire plus mou dans le prêt à penser.

Plusieurs œuvres de l’exposition insistent sur le rapport à l’histoire artistique de la Russie. Le suprématisme et le constructivisme sont passés à la moulinette pour ressortir dé-sanctuarisés, triangles, carrés et autres polygones sont mis en scène sur fond de société russe. Avdei Ter-Oganyan et le groupe Blue Noses s’en donnent à cœur joie et dans leurs mains ces symboles de la pureté esthétique ré-aiguisent leur tranchant.

Dans la même salle le duo Komar et Melamid proposent une vision frontale des goûts en matière d’art avec The Russian most wanted art côte à côte avec The Russian least wanted art, pamphlet toujours très efficace contre les idées trop vite faites en matière d’art. Sous cloche, on peut aussi voir plusieurs figurines du groupe AES+F, porcelaines pleines de manières modélisant à la façon du XVIIIe siècle quelques scénettes contemporaines.

Ensemble ces œuvres montrent bien qu’il est possible de souligner l’existence d’une scène artistique nationale sans pour autant tomber dans le symbolisme le plus simplificateur. Signe que l’intérêt pour l’art contemporain des pays de l’Est, plus d’une décennie après l’engouement qu’il a suscité, vaut largement l’attention renouvelée dont il bénéficie.