C’est une très grande rétrospective qui s’ouvre au Musée d’Art Moderne. Une initiative d’autant plus louable que les travaux de l’artiste sont plutôt rares dans les collections publiques européennes. Il faut bien souvent traverser l’Atlantique pour pouvoir observer côte à côte plusieurs œuvres de cet artiste phare des années 80.

Voici donc un large récapitulatif de son activité. L’exposition débute avec les cartes postales, œuvres miniatures que l’artiste produisait à l’époque où les matériaux lui faisaient défaut, et elle se termine par les larges et presque méthodiques peintures de la fin de sa vie. En tout, de 1977 à 1988, onze années de production.

Dès le début la couleur saute aux yeux, les sujets accrochent et racolent un peu, mais en définitive cela ne compte pas vraiment. Il est avant tout question de peinture. Et quelles que soient les explosions ce n’est pas la virtuosité qui meut la gestuelle de l’artiste, mai c’est plutôt une envie d’en découdre avec la peinture. Une folle envie de se plonger dans la matière et d’en extirper les mots et les choses qui pourraient donner forme au corps et aux mots de l’artiste. D’ailleurs les signes et les figures qui peuplent les toiles semblent autant avoir été choisis par Basquiat que lui avoir été jetés à la figure. C’est toute la société des grandes villes américaines des années 70 et 80 que l’artiste poignarde, œil pour œil, dent pour dent.

L’exposition présente bon nombre de dessins. Il est d’ailleurs compliqué au bout d’un moment de faire une quelconque différence entre dessin et peinture tant le trait raide et l’emploie compulsif de la couleur sont exhortés de la même manière sur tous les supports. Les peintures sont remplie de signes, de barres et d’aplats ajoutés les uns aux autres, serrés et compressés de telle façon qu’ils finissent par se chevaucher et se transpercer. L’artiste aime à mêler les références contradictoires et complexifier les mailles de ses travaux en jouant sur les matériaux qui semblent souvent être les vestiges d’un radeau de fortune.

Les associations avec Warhol montrent efficacement l’acuité du regard de Basquiat qui avale et régurgite son aîné de même qu’il le fait avec son époque en général. Et il y a fort à regretter qu’il n’ait pas eu le temps de s’exprimer sur nos années.