Sur une petite surface carrée jouent Les Deux caniches. Tout en membres agités ils occupent un gazon que partagent deux clématites roses-orangé coupées par le bord droit du tableau.

La Table de travail de Bonnard, posée sur un tapis bleu largement brossé, est entièrement couverte de documents mais on n’y trouve aucun empilement. Y cohabitent plusieurs feuillets et cahiers, un album musical, un vase étroit d’où sortent plusieurs fleurs blanches, deux livres épais. L’ensemble est entouré, serré par l’espace que l’artiste a chargé de camaïeux ocre et jaunes et qu’occupent un chat et un chien endormi. En dépit de l’encombrement, la table semble être un lieu de clarté et, à ses pieds, le tapis, un grand ciel ouvert sur le domaine de la rêverie, une immensité dans laquelle on ne peut tomber et que soulève la légèreté des volutes de thé.

La porte donnant sur la terrasse de Salle à manger à la campagne est poussée depuis l’extérieur. Elle reflète la douceur verte et bleutée du printemps qui occupe la campagne. Sur les chaises des chats, à la fenêtre une femme accoudée observe l’intérieur. Plus tard elle sera nue, littéralement contaminée par la lumière jaune qui la recouvre des hanches au sommet de la tête et qui uniformise tout l’espace du Nu de dos à la toilette (harmonie jaune). Un miroir que l’on discerne à peine est placé face à elle, il permet d’observer et de découvrir son ventre et ses seins qui, eux, dans l’ombre, ont viré corail et carmin.

Ouverts, les intérieurs de Bonnard sont ainsi, rafraichis par les courants d’air et réchauffés par la vue compacte qui s’engouffre depuis la mer, les jardin et les collines. Fermés, ils sont passés à la chaux, mats et capitonnés par la vie intime de l’artiste et de son couple.

Impossible de savoir qui des deux mène la marche. De même, dans les trois immenses toiles aux scènes mythologiques que sont, Voyage, Déluge, Plaisirs, la tension entre les moments de vie domestique et bourgeoise, et les frises ribambelles de singes et de pies excitées qui les dévorent en leurs pourtours, est omniprésente. Ces petits animaux sadiques semblent vouloir refermer sur le bonheur pictural un rideau de fantaisie jonché de brindilles et de noyaux de cerises. Peut-être sont-ils en cela les prête-noms de l’artiste, peignant avec des ciseaux, ne voyant que ce qu’il considère indispensable et faisant tomber sous la nappe les restes sur lesquels se jettent les innombrables compagnons de l’artiste.