La structure du tableau n’est pas donnée par ce qui y est signifié en peinture – ni par les traces posées dessus –, ce qui compte c’est le squelette, le châssis, le bois, l’aluminium, les clés et les agrafes, les grilles tendues et les rapports de force qui s’exercent pour créer l’équilibre d’un objet parfaitement manufacturé. Le poids des œuvres ne tient qu’à cette exactitude. L’assemblage de chacun des éléments conditionne l’empilement des espaces selon un ordre rigoureux et pour lequel aucun choix n’est laissé au peintre. La seule chose qui lui est offerte – la surface de la toile – est un domaine où se retenir.

La forme des châssis étant devenue le motif principal des œuvres, la peinture n’est plus là que pour l’habiller, être présente mais seulement afin de témoigner de sa légèreté, de sa transparence, de son interchangeabilité. Elle est un voile pudique et tentateur ; non pas une peau, mais une parure qu’il est possible d’ôter, un ajustement auquel on consacre une infinité d’attention car il est désormais le détail où toutes les différences se nichent. Louis Cane l’a voulue jaune et verte, violine ; parsemée de fioritures élégantes et translucides qu’il est allé chercher dans des souvenirs.

Posée comme un papier peint, les couches de peinture donnent l’impression de s’agripper à la surface, de chercher à s’y engluer, d’y faire corps de la manière la plus impérieuse qui soit. Pourtant, la matière, figée dans la résine, signale automatiquement la crispation de la peinture et trahit la conscience de sa fragilité. En s’approchant, en observant de près, on ne peut s’empêcher de songer qu’un coup de dissolvant ferait tout tomber – comme tombent les plaques de givre sur les pare-brises une fois la chaleur du soleil installée. Ne resterait alors que la grille nue, superbe ossature blanchie, et à ses pieds, une flaque collante, plus ou moins colorée.