L’ouverture de la section de la Biennale de Lyon au musée d’art contemporain se fait en musique. L’installation sonore d’Hannah Weinberger donne le tempo, la marche à suivre… D’ailleurs ici, la narration, si elle doit intervenir, est guidée, prise dans le débit prédéterminé des œuvres qui viennent une à une selon un enchaînement auquel on est prié de se tenir comme à une rampe sous peine de se voir éjecté de l’histoire.

On avance donc comme dans un train fantôme, transitant d’un palier à un autre, s’arrêtant parfois et ne se retournant jamais. Lili Reynaud-Dewar prend à son compte cette enfilade. Elle y crée une suite de projections et d’installations environnées de papiers peints exubérants. Dans ses vidéos, on la voit grimée de peinture noire, danser parmi ce qui s’apparente à des œuvres qu’elle manipule tout à sa gesticulation. Puis, dans la salle suivante, toujours recouverte des mêmes papiers peints, se trouve un lit et sept bassines créant des fontaines qu’anime un liquide noirâtre, quelque chose qui serait luisant comme du pétrole, mais plus fluide, moins odorant aussi, et dont le bruit et les clapotis légers annonce une certaine allégresse, peut-être un peu satanique, dans tous les cas, impropre à la consommation.

Juste après intervient Robert Gober avec des œuvres anciennes peu connues, et parfaitement environnées de papiers peints similaires à ceux de Reynaud-Dewar. Ce sont des maisons de poupées miniatures, coloniales, patriciennes et victoriennes ainsi que plusieurs petites peintures narrant des histoires cauchemardesques et criminelles. Il y a dans cet environnement un écoulement des formes et des idées, comme une communauté disparate mais soudée en un même chemin, qui empoigne la déambulation du visiteur et le mène, le temps de cette séries de salles, dans un ailleurs proche de la divagation. On s’y délecte, et prend plaisir à tisser toutes sortes de récits entre les œuvres de ces deux artistes qu’a priori peu rassemble mais qui, pourtant, jouent pour nous la plus délicate des sérénades que la vieille Amérique côte Est a à nous offrir.

Autre surprise, la fresque circulaire de Meleko Mokgosi. Ici comme à la Sucrière, ce sursaut de peinture d’histoire semble avoir à dire au-delà de la geste. L’Afrique contemporaine qui y est représentée associe à l’héritage figuratif occidental des symboles et des signes de pouvoir traditionnel. C’est un peu comme un musée colonial, à la différence près qu’il n’y aucun colonialisme là-dedans, tout au plus peut-on parler de métissage et d’appropriation. Le propos du peintre n’est ni rétrospectif, ni revendicatif. Tout au contraire, c’est sans la moindre morgue et sûr de lui qu’il propose sa lecture digérée des cultures exogènes désormais faites siennes ; Jacques-Louis David n’a qu’à bien se tenir.