Presque sans accrochage, simplement disposé au sol dans un feuilleté de vitres, un herbier champêtre et exotique rapporte à l’épaisseur d’une feuille de papier l’étendue des plaines et des forêts foulées par Marie Denis.

Le dispositif permet l’empilement des végétaux. Longeant les mur, les lames de verre et les caisses en bois clair donnent aux plantes qu’elles conservent l’air d’avoir été saisies en pleine bouffée de mistral, comme roulant à fleur de champs parmi milles autres herbes folles et mortes. Là, à la lisière de l’espace d’exposition, elles ont définitivement arrêté leur course. Cela s’est fait sans un mouvement. Comme si le tourbillon dans lequel elles étaient prises avait subitement cessé, en un instant le livre s’est refermé avec elles à l’intérieur, commençant leur transformation en de fines pellicules d’ocre translucide. Il ne s’agit donc pas de lenteur, mais d’immobilité. Une immobilité qui se doit d’être depuis toujours et pour toujours, et que seule l’hypothèse d’un craquement de brindille, ou d’un feulement au loin pourrait ranimer. Ce domaine du possible a beau flotter un peu partout, il n’est qu’un climat, une buée, un très léger brouillard posé sur les œuvres. Elles, qui ont le poids du silence et la paix du papier jauni. Elles, à l’abri du monde extérieur. Leurs histoires, Marie Denis n’a pas choisi de les raconter. Peut-être n’en n’ont-elles même pas. Ce qui est montré c’est leur conservation éparpillée et lumineuse.

Luzerne, monnaie du pape et autres graminées cohabitent dans cet imaginaire sec avec un buisson de palmes noires disposées en éventail. Tel un nœud grisé, devenu luisant, lisse et poudré sous l’action d’une patine au graphite, il capte la lumière. Tout au centre de la composition, là où les palmes se rejoignent, se noue quelque chose d’antinaturaliste. Nulle rêverie botanique dans ce pli. À son approche les oreilles se bouchent et l’attention se tend. Le silence se fait plus tendu, comme s’il était en permanence absorbé. Le branchage s’est fait constellation, l’infiniment petit des spores et des akènes s’est engouffré dans l’infiniment grand du noir pulvérisé par l’artiste. L’histoire a repris son importance.