Au lendemain de l’invitation faite à dix-sept confrères, l’espace de la galerie Backslash ressemble à ce que laisse derrière elle l’inondation après le reflux. Les tourbillons ont déposé une kyrielle d’objets, mille broutilles qui cohabitent dans une même direction, portées par un même lit, celui d’une rivière parisienne en décrue, haletante mais apaisée.

Il est question de volumes, d’objets, de présences physiques, de tout ce qu’il reste une fois que la noyade est écartée et que l’eau, ayant fait son œuvre, découvre un paysage clairsemé d’interrogations et d’inattendues joyeusetés. S’y trouvent pêle-mêle les résistances, les abandons et les oublis dans lesquels se sont fichés de gros troncs charriés par le courant, de même qu’une volée de balles de jeu coincées dans l’entrelacs d’un grillage, un déambulateur, un fond de caveau de la Commedia del Arte, des briques et des parpaings usés par le roulis, une table de ping-pong bouffée par des lichens rouges, des gravas, des billes, une pauvre poule, et encore d’autre jeux d’enfants.

L’énergie du cours d’eau a ainsi formulé ce que l’esprit n’avait pas vraiment osé entrevoir. Sont rassemblées bien des singularités qui, sans se tourner le dos, marchent habituellement chacune de son côté. La force de cet événement réside justement dans le fait qu’il ait imposé un choix et que celui-ci se soit présenté de la manière la plus frivole, la plus arbitraire et la plus bienveillante ; soit autant de raisons qui n’ont jamais voix au chapitre. Vu de loin, cela ressemble à une longue trace calcaire laissée après évaporation, mais cette trace à un sens, celui de son substrat et des artistes qui le ratissent tels des pêcheurs de palourdes sur les plages de l’Atlantique. Armés de leur fourchette ils grattent, grattent, grattent, suivis des galeristes et marchands qui portent sur leur dos les nasses en côte de maille.