Un tourne-disque entraîne une ritournelle au message incantatoire : forget me not, forget me not, forget me not, forget me not… répète-t-elle.

L’histoire est racontée par Unglee. Il aurait voulu contrecarrer le mauvais sort en proposant ce défilé hypnotique. Pendant 15 minutes il s’évertue à ne rien montrer de son désir de ne pas être oublié. On l’y voit en traveling, déhanché, sans un clignement d’œil, le regard droit et la moue poseuse, face à l’observateur qui le découvre en même temps qu’il comprend devoir s’en souvenir. L’image se veut publicité ; contrairement à ce que l’on voit d’habitude, pour être efficace il lui faut prendre tout son temps. Le message est à la fois franc et nonchalant. Il ne s’agit pas de bousculer ni de choquer, mais de s’installer dans la vie des gens. En entrant par le salon, se dirigeant vers la maîtresse de maison, l’embrassant avec conviction et retenue, puis, en allant s’asseoir dans l’un des deux canapés : enlever ses chaussures – les chaussettes blanches d’Unglee sont propres –, puis, allonger ses jambes le temps que l’on apporte un pastis. Le succès de cette entreprise repose sur sa capacité à ne pas être agaçant. Il y parvient sans effort.

Unglee porte un polo. Bien qu’il soit légèrement gringalet cela lui donne une certaine aisance. Les poings campés au-dessus de la ceinture (portée assez haute – mode de l’époque oblige), il pose en ancien étudiant, décomplexé, bon élève, discret et ayant appris à se taire au bon moment – il pratique le football le dimanche après-midi avec ses amis prolétaires (il fait aussi du théâtre le vendredi en alternance avec le mardi). Le noir et blanc de la pellicule, de même que par les ombres qu’exagèrent ses joues creusées et sa fossette au menton accusent un début de barbe très brune. Ce matin il ne s’est pas rasé. Il ne s’est pas vraiment coiffé non plus. Ses mèches tombent sur son front avec la négligence qui convient à son allure sportive, que le temps, bientôt, lui enlèvera.