À la manière d’une boîte à jouets, le rideau de scène du ballet Parade imbrique plusieurs histoires. Son fond est tapissé d’un papier peint ouvert sur un paysage où l’on distingue les ruines d’une arche et, au loin, une chaîne de montagnes bleues qu’encadrent de lourds rideaux retroussés sur leur côté. Aux pans de tissus baillant et aux pompons de passementeries est associée une grande toile préparée d’un vert pomme comme pour un portrait de Corneille de Lyon. L’ensemble tient à peine. Ce fourre-tout de cagette feutrée contient une dizaine de figurines en arrêt, patientant le temps que reprennent les histoires dans lesquelles elles étaient impliquées. Librement agencées, vêtues de costumes bigarrés, elles s’apparentent à un ouvrage de marqueterie inachevé où, losanges, trapèzes et triangles ont été organisés par un malicieux hasard.

Parmi elles, une grande jument ailée blanche lèche son poulain. Juchée sur son dos, une jeune fille joue avec un singe posté tout en haut d’une échelle bariolée de bleu, de blanc et de rouge. Celle-ci, adossée à l’un des plis de rideau qui matelasse l’espace, tient presque par miracle. Ce petit spectacle d’équilibriste est observé par la tablée toute proche où déjeunent quatre hommes encostumés accompagnés d’un eunuque coiffé d’un turban et de deux jeunes femmes dont l’une, éplorée, est pendue aux bras de l’arlequin habillé de vert et de blanc. À table on joue de la guitare, on boit et on lève son verre.

La joie de cet instant est sur le point de basculer. Picasso l’a représenté sur un plancher aux lignes vertigineuses, annonçant le moment où, renversée par une main enfantine, la boîte va se retourner et bazarder au sol tout son contenu.