Dans le hall d’entrée de la Galerie Triple V, vestibule large et lumineux, donnant sur une cour intérieure aux pavés anciens mais bien nivelés, l’intervention de Flora Moscovici consiste en un vaste rectangle peint à la laque directement au mur. D’un ton chair, par endroit rosé, sa texture épaisse dénote sur le blanc du mur sec et acrylique. La lumière court dessus élégamment, comme sur un parterre d’eau pris dans une brise légère envahissant un jardin d’hiver ouvert à l’exception d’une journée ensoleillée. Discrète, presque invisible, l’œuvre de l’artiste joue avec l’entrain qui pousse les visiteurs de la galerie vers son espace principal.

Dans une niche elle a déposé un autre morceau de peau, mais celui-là inverse le rapport de texture que met magistralement en œuvre la laque qui lui fait face. Il est enchâssé dans un petit espace d’une soixantaine de centimètres de haut et d’une cinquantaine de large, profond d’à peine la longueur d’une main. À l’intérieur, une peinture épaisse fabrique un contraste rose sur blanc. La trace laissée par l’artiste semble n’être que le test d’une couleur maigre sur un support gras. Or c’est le gras qui recouvre le maigre, lui-même probablement déposé par-dessus le blanc du mur. Cette trace dont on croit voir fermement la gestuelle est en fait délimitée par son fond qui lui donne sa forme. Ce sont les coups de pinceau qui l’ont partiellement recouverte qui s’activent à sa bordure.

Tous ces détails n’existent que pour la solitude transitoire du vestibule. Leur aspect indéfini, presque inachevé, tels des essais en prévision d’un projet ultérieur, efflore ceux qui passent mais ne les touche pas. Ces derniers les voient, mais les regardent à la manière d’un reflet sur un pare-brise : négligemment, comme une gêne, une scorie intempestive et oubliable qu’il convient de dépasser. Pourtant la peinture est bien là. Elle l’est peut-être même plus d’ailleurs, ravissante et réjouissante. Exigeante aussi, mais d’une exigence douce et sans velléités, une exigence qu’il faut frôler de l’extrémité de ses doigts pour en saisir le frémissement.