Un homme nu se tient droit comme un I. Il pose. Ce que sa posture, raide et délibérément crispée, ne tente pas de cacher. Il se trouve là comme s’il n’avait plus le choix. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne l’eut pas un jour et que ce jour ne puisse être encore proche, mais à présent la fatigue se lit le long de son corps et rien ne lui permet de s’évacuer. En contrepartie tout son être et toute la résistance qu’il oppose au réel sont face à nous. Vincent Corpet l’a voulu ainsi : les interstices rouges et les extrémités orangées de ses doigts sont gonflés par la couleur et la difficulté du retour veineux. Dans le même inconfort, la plante de ses pieds brûlent de ne pouvoir se mouvoir. L’homme du xxe siècle patiente comme l’on fait ses prédécesseurs depuis que la peinture scrute les corps nus.

Car il s’agit bel est un bien d’un homme du xxe siècle ; sa pilosité est faite de frottis ; sa peau bien blanche a peu pris le soleil depuis qu’elle a dépassé la trentaine ; son ventre est replet ; son regard habitué à la fatigue ; il est vide d’envie, plein d’habitudes et porte un numéro de code : 3771 P – 2015/2016.

À ses côtés, les hommes que trace Misleidys Francisca Castillo Pedroso évoluent dans un monde de statuettes. Fiers, musclés et parfaitement galbés, ils revendiquent une place au panthéon antique des jeux d’Athènes. Sous leur superbe déployée à la perfection, ne subsiste que quelques traits de leur visage, le reste est entièrement déterminé par la culture de leur corps extraverti.

L’expressivité des Deux Personnages d’Eugène Leroy va encore plus loin. Ici la gestuelle est tout aussi marquée, mais elle n’est plus que la marque de l’artiste. Quand ces deux personnages se transforment en de violentes inflorescences, charnelles et fécondes, que l’on croit prises sous un vent de grande pluie, c’est Eugène Leroy et lui seul qui ressort mouillé. La figure n’est plus qu’un lointain halo caché derrière le va-et-vient des essuie-glaces sur un pare-brise trempé par la tempête.