Agencé comme un paysage, un groupe de contenants parsème le sol de la Galerie Alain Gutharc. Les céramiques de Cécile Noguès y forment un arrangement géologique composé d’un plateau largement raviné sillonné par une multitude de cours d’eau débordant dans une étroite bande de terre léchée par l’océan. C’est à sa surface ondulante que l’on se tient, de l’autre côté de la vitrine, quand on observe ce pays.

Certains de ces moments géographiques sont refermés et contiennent des volumes inattendus dont on soupçonne qu’ils aient pu se débattre parfois violement avant de s’éteindre. D’autres sont restés ouverts – à moins que ce soit leur couvercle qui ait cédé –, et exhalent un air sculpté comme celui des habitations troglodytes. Il y fait sec malgré leur gorge, il y fait chaud par l’action de la main. Les uns et les autres entretiennent un rapport qui pourrait être celui des poupées gigognes en ce que tous semblent procéder d’une même terre que l’on aurait inlassablement creusée puis relevée pour en sortir de nouveaux objets.

À mesure que l’on pénètre dans l’espace arrangé par l’artiste, les céramiques recouvertes de coulées de lave incandescente grossissent et se transforment. Les lacunes qu’elles laissent là où elles ne se déversent pas accusent la sécheresse de la cuisson qui a irrité le sol et l’a rendu presque abrasif. Ces parcelles semblent avoir été maudites, frappées d’un hiératisme rappelant les errements solitaires de Monument Valley.  Partout ailleurs on découvre des surfaces bourgeonnant d’une multitude de bouffées fleuries. Les parcourant des crêtes aux plus petits vallons, ces poussées de prairies joyeuses et voraces se déversent et envahissent les monticules de terre en leur donnant un moelleux incomparable, un air de pot de confiture éventré mêlé de mille autres douceurs où abondent les parfums de framboise et de menthe. L’orgie en devient parfois extravagantes. La terre sucrée jusqu’à plus souffle s’écroule sur elle-même, perle et plie de ne plus pouvoir se contenir.