Dans la chambre patiente une nuée d’antiques épouvantés. Comme autant de Victoires de Samothrace perchées sur des tabourets dans un atelier de copistes, ils s’offrent au regard : affamés et déterminés à en découdre. Mais pas maintenant. Demoiselles et Vagabonds ont été pris sur le fait. Plus rien ne peut se passer et chacun attend que la lumière électrique et beaucoup trop froide des éclairages nocturnes laisse place à celle du petit matin. Sa douceur saura détendre les chairs crispées et dissiper une part de la tension accumulée.

D’ici là les céramiques accusent une demi-nudité douloureuse. Elles manquaient de temps, et en eurent encore moins que prévu. Nouées dans des bandelettes de plâtre hirsutes d’où s’extirpent des poignées de filasse leur faisant un manteau, les sculptures semblent sur le point de s’offrir sans pourtant parvenir à leur fin. Ce qui leur donne une audacieuse beauté. La franchise de leur corps interdit tout contact. En revanche, elle diffuse une chaleur aigre douce, un léger filet sucré piqué d’amertume, dans lequel impossible de ne pas se laisser perdre. Il y a une part d’interdit derrière la fine épaisseur nacrée qui fait briller les galbes de ces êtres. Leur petite taille laissait croire à leur inoffensivité. Il s’avère que la réalité est plus compliquée. Entrainées dans une histoire dont tout indiquait qu’elles étaient les victimes, candeur et vice sirupeux se sont associé pour entretenir, mais ne jamais assouvir totalement le désir. Dans l’atelier du sculpteur les modèles sont cruels.

Aux mœurs un peu trop publiques du petit groupe s’ajoute la publicité qui en relais la visibilité. Ce sont des fleurs, de grosses fleurs gerbées à même une épaisse couche de plâtre dont la fine blancheur sert de substrat. C’est là que s’enroulent leurs tiges et se déploient leurs feuillages, mais sans appui ; le plâtre, trop fluide n’est qu’une pellicule qui éclabousse et tâche. La plupart des couleurs ont disparu sous ce voile impudique.