Trois triangles – chacun son gris – pointent vers le haut. Ils structurent l’espace de la Galerie Jean Brolly par le jeu de leurs obliques renversées en équilibre, à angles égaux, sur une base, pour chacun, identique.

Le premier est équilatéral. La médiatrice du sommet du second a une longueur égale à celle de la base de la figure. Le troisième voit la médiatrice de son sommet, cette fois-ci, égale à une fois et demie la longueur de la base. Comme à Gizeh, la plus haute des figures se trouve au centre.

À l’observation du doux dégradé que forment les trois triangles, une multitude de symboles émerge dans l’esprit. Mais telles de petites bulles de soda impossibles à stabiliser, rien en eux ne parvient à asseoir leur autorité dans la rêverie qui accompagne la contemplation de l’austère coton utilisé par Alan Charlton. C’est comme s’il les buvait. Dans le gris tout se dissout. Les toiles ont cette capacité de faire buvard aux pensées trop bavardes. Rien ne résiste à l’absorption implacable de leur subtile tranquillité. L’accrochage des tableaux renforce par sa régularité le pouvoir de liquidation presque magnétique qu’opère l’ensemble sur les visiteurs venus s’y confronter. Cet assèchement du flux d’idées c’est l’anti oracle de Delphes. On s’y présente avec des réponses toutes faites, avec la foule des présupposés fonctionnels qui nous permettent à tous moments de notre vie sociale d’interagir au contact des automatismes qui constituent pour chacun l’aire de confort qui nous protège autant qu’elle nous isole. De cette rencontre on en repart sans rien à songer. Ce que l’on y déploie disparaît en silence et sans aucune possibilité de retour.

Les œuvres ne disent rien, n’écoutent pas, elles entretiennent simplement un appel d’air capable de déblayer en permanence devant elles le gras d’intelligence qui nous rend si glissants.