Un art socio-culturel ; autrement dit, un art où l’on veut changer le monde et se répandre en lévitation. Un art pour privilégiés humanistes et sensibles, un art doux-amer comme un plat de pâtes pris chez un traiteur chinois harassé que l’on déguste à même sa barquette en plastique thermo-collée.

Car le socio-culturel se consomme comme on aspire les nouilles. C’est un jeu tout drôle qui éclabousse à la fin. Il permet de manger lentement, un luxe de nos jours. Grâce à lui l’information crie sa vérité, les noirs deviennent (subtilement) blancs, les armes tuent les mots, et la parole enfermée devient profonde. Enrobée dans une sauce vegan cinématographique, la démagogie perd son nom et se fait spectacle. Et quand ce spectacle est appelé art, il se fait réflexif. Il se fait miroir et l’on peut à loisir y tremper le doughnut gras du moi. La sauce démagogique se fait pauvre car nous sommes pauvres, elle se fait riche car nous sommes riches, elle se fait soi parce que nous ne sommes faits que de ça. Autour de la table les chiens se mordent la queue en courant bêtement en rond et, dans leur sillage, lèvent un petit nuage de poussière grise au travers duquel l’artiste procède aux divinations qui sont de son ressort.

Ce qu’elle y voit, et nous propose, soulage un peu nos angoisses personnelles. Mais par souci de ne pas remplacer le mal par un autre, ces divinations sont enrobées dans une gaine politique glissante qui transforme chaque tentative de s’en emparer en un effort contraire, les repoussant chaque fois dans la direction opposée à celle que l’on entendait leur donner. Comme cela se passe sur grands écrans et que la production n’a pas lésiné sur l’obscurité et la grandiloquence des silences, chacun d’entre nous se trouve à quatre pattes, en train de courir après son chapelet de saucisses fraîches et brillantes dont le sautillement des ribambelles fait penser au mouvement d’une foule dans un rassemblement pacifique.