Blanche, la tête creuse d’un enfant expire sous une cloche de verre. Pour cette Scène du massacre des innocents Victor Huguenin a voulu le fils proche de sa mère. Elle aussi est blanche et déformée par les cris qui jaillissent des froissements de son visage en furie. À peine quinze centimètres la séparent de lui, mais à cette distance rien ne pourra plus les rapprocher.

Dans une harmonie de vert et de gris passés, Pierre-Auguste Vafflard peint un homme portant un corps féminin. Il s’agit de Young et sa fille, l’un et l’autre vont sous la pleine lune à la recherche d’un lieu de sépulture pour la jeune femme décédée. Lui tient une pelle plate, elle, dans son linceul, réfléchit la lumière blafarde. Derrière eux un paysage de sapins s’ouvre sur un chemin caillouteux occupé par la grande ombre aiguë lancée par le couple morbide. Celle-ci pointe en diagonale comme la lame d’une guillotine tombée aux pieds des deux marcheurs. Elle glisse lentement à leurs talons, les suivant de son éclat mauvais. Tendue vers la nuit, sûre d’elle, elle racle le sol et redouble de son crissement métallique les bruits lancés par les pas se succédant vers la tombe et, après eux, ceux de la terre qui s’ouvre à la silhouette que l’on enferme en elle.

D’autres corps n’ont pas plus été épargnés. On les reconnaît par morceaux. Un coude, un pied, une main au bout d’un poignet ballant, tous sectionnés. Leur moignon, d’un rouge comblé d’orange épais, coagule en bourgeonnant dans l’obscurité d’un coin de table parfois protégé par un linge dont la blancheur ne sera bientôt plus qu’un vieux souvenir trempé et jauni par la dispersion de la lymphe. Une tête se tient parmi ces formes tordues. Elle aussi accuse une distorsion importante. La joue droite est creusée d’un coup violent qui en a écarquillé les orbites au point d’en faire presque sortir les globes oculaires. La bouche, restée bée, laisse entrapercevoir la trivialité qui a façonné les dents qu’elle contient : la pauvreté, la misère, la crasse, l’effondrement.