Derrière une pergola en PVC se couche un bouquet de néons aux couleurs pâlottes. Leurs tonalités de chaude fin de soirée imitent celles des couchers de soleil floridiens. Elle font des ombres violettes et roses qui se multiplient et se projettent avec la précision des giclées d’éclats de noisettes dans les publicités pour barres chocolatés. En l’occurrence il s’agit plutôt de feuillages. Une végétation en épis – proche des rosettes que portent en couvre-chef les yuccas et toutes les plantes de la même famille –, celles-là même qui a un moment ou à un autre ont encombré de leurs feuilles pointues et dangereuses le salon de presque toutes les mémés d’appartement.

Dans les tableaux d’Amélie Bertrand le goût pour les vérandas climatisées se conjugue à celui des antichambres de boites de nuit allemandes où le désir d’exotisme rencontre la récurrence du savon et de la javel. En effet tout est bien propre. C’est simple, ces espaces picturaux seraient sans l’ombre d’un doute les derniers endroits sur terre où les chaises de jardin en plastique pourraient être encore aussi blanches qu’au jour de leur achat si l’artiste les avait peintes. Or il n’y en a pas. Par contre, la fontaine couverte de faïence et de fausses roches est absolument impeccable. Le bouillon bleu qui y coule et qu’illuminent quelques spots fluorescents donne l’impression d’exhaler le chlore sans jamais laisser poindre la moindre trace noire sur un joint.

Le lounge est désert. Les femmes panthères ne sont pas encore arrivées, les jeunes pousses attendent près du bar. L’imminence de la fête qui excite ces tableaux appelle l’odeur des cigares trop chers qui viendront coller au skaï des fauteuils club. Alors tout sera à refaire. Il faudra attendre la fin de matinée, repasser la serpillère partout, systématiquement, ramasser les mégots et ranger les verres, vider les poubelles, redonner un peu d’allure aux plantes dérangées par les imprudents qui auront voulu enjamber les jardinières, les arroser, tout astiquer, tout remaquiller.