Les laies de velours pâle d’Adélaïde Feriot aspirent à eux. Suspendus dans l’espace comme des fantômes plats, il se dégage de leur présence une humeur automnale proche de celle qui occupe les mercredis après-midis au moment de l’école primaire. L’épaisseur des tissus contient la chaleur que l’on ne trouve plus en extérieur, elle invite à se presser et se blottir contre les paires d’yeux qui permettent de voir au travers. À vouloir les toucher, on pourrait envisager de les enfiler ; bientôt ils reprendraient forme et se mettraient en marche avec le même empressement contenu et respectueux que celui qui guide les enfants endossant la tenue de leur activité périscolaire, à l’approche de la Toussaint, quand l’angoisse des débuts a laissé place à d’intenses concentrations gorgées d’élans et d’envies.

De ces draps de velours sortent des bras. Comme des gants pendants à la renverse. Habits composés d’un seul tenant à peine encore anthropomorphe, les tissus ensommeillés attendent la poigne qui les fera mouvement. Au sol un miroir conique est prêt à suivre, le temps de la leçon, les chutes et les danses.

Le travail d’Anastasis Stratakis se situe lui aussi dans un moment d’attente. Mais chez elle il est contenu dans un après. C’est l’après-mouvement, après le fourmillement des gestes, que ses imposants dessins retranscrivent. Les formes géométriques, strictes et minimales, du papier sont marquées de traces de crayon comme des empreintes prises à même le sol. Elles semblent ne pas avoir été réalisées sciemment, mais être l’effet secondaire du bal qui s’est déroulé au-dessus d’elles. Elles en conservent les traces, les accents les plus forts, les frémissements et la douce régularité qui caractérise les valses les plus enivrantes. Ainsi, bien que particulièrement légères, les foulées remplissant la géométrie parfaite des grandes feuilles de papier occupent l’espace comme dans un moment d’absence. Elles sont partout présentes, mais le signe qu’elles portent est déjà plus loin, il s’est envolé.