Dans des espaces carrés, des zones de peinture bleues, grises et roses agencent l’idée une pièce d’appartement. Ces peintures ont l’ordonnancement de maisons témoins tout en possédant la qualité chiffonnée des draps de coton entre lesquels on a dormi des années durant.

On n’y trouve pas de meubles à proprement parler, mais la sensation d’un espace : la sensation de l’air qui circule entre les ouvertures. Comment la porte d’entrée gorge l’atmosphère de la pénombre zébrée par les néons du couloir. Comment, ailleurs, ce sont les carreaux de la véranda qui font entrer le ciel et, avec lui, de longues vagues de douceur hivernale venant se poser sur tous les objets et toutes les surface à la manière de grands plaids douillets tout juste sortis de malles. Comment, encore, la chaleur du chauffage central s’est installée sur la moquette et les garnitures des fauteuils pour patiner la fraîcheur et la tendresse de leur moelleux. C’est l’espace apaisé du matin une fois que tous furent partis après avoir desservi la talbe et tout remis en place ; c’est l’espace d’un temps à soi suffisamment vaste pour s’attarder à flâner du regard.

Aux fenêtres, les rideaux qui couvrent lourdement le passage de lumière scandent de leurs plis blancs le va-et-vient du vent et la très légère poussière de particules qui tempère par endroits la composition. Retombant en dépôts poivrés répartis dans l’espace elle a enregistré les activités de la famille, s’intensifiant ou s’atténuant à mesure que l’on ait pu venir s’asseoir à tel ou tel endroit, que tel passage mauve ait été emprunté plutôt que tel autre, que les pas aient froissés de gris et de noirs limpides la frise parme qui orne la moquette, ou bien encore que les motifs vert forêt accrochés aux hautes tenture aient accumulé les retards de ménage. Ensembles ces strates forment un calque de sérénité, plus aucune tempête ne peut retentir à présent.