L’exposition d’Hugo Schüwer Boss ressemble à l’exiguïté du sommet d’un belvédère. L’espace est extrêmement petit, mais il est percé d’un grand nombre d’ouvertures donnant à hauteur de vue sur un panorama à 180°. Dans ce lointain les choses se perdent et disparaissent comme si elles n’avaient jamais existé. Nul paysage n’apparaît mais une suite d’événements atmosphériques prolonge dans le ciel la pâleur d’un matin humide dont on devine encore à l’Est les zébrures de nuit et à l’Ouest la rougeur du jour qui s’achèvera.

C’est d’un côté un grand ovale vert olive. Le ciel, tel un miroir antique piqué par le vert de gris attaquant son fond de cuivre, est parcouru de grandes stries verticales et horizontales. L’étrange ligne d’horizon qui annonce le soleil est un crépitement de jaune de Naples posée sur une terre noire et brillante. À regarder dans cette direction nommée Sybille par l’artiste, on pourrait presque voir son ombre se dessiner sur la trame de la nuit gorgée de l’huile verte dont elle enduit la surface de la terre, pareille à une couche de gras protectrice sur laquelle la rosée perle en petites gouttelettes brillantes avant de rejoindre au sol les ruisseaux qui bientôt s’animeront.

De l’autre côté, en se rapprochant de l’Ouest, les fenêtres sont carrées et portent le nom de Dorian. Elles offrent un immense moment de ciel beige uni comme le sable du Sahara. Depuis notre point en hauteur on peut observer longuement cette tempête de lumière tamisée. Parfaitement homogène et impénétrable, brute comme une poussière de quartz, elle abrase le monde sans un bruit. Plus loin encore à l’Ouest la lumière commence à entrer en fusion. Les microscopiques grains s’agglomèrent pour donner vie à un vent rougeâtre retombant depuis les hauteurs du ciel vers le sol sortant ainsi du champ de vision offert par notre promontoire. La terre qui s’enflamme, mais que l’on ne voit pas fait remonter des vapeurs lourdes de souffre et de poudre de carmin. Elles gonflent et s’étoffe à mesure que le jour disparaît. Bientôt le poli laissé par l’abrasion du sable dans le ciel va à nouveau se charger et s’obscurcir. Bientôt il reprendra corps.