Les dessins à l’encre de Glenn Brown ressemblent de prime abord à des ballots de paille échevelés. De ces formes fouillées aux traits précis, chargées de courbes légères et de petites virgules enthousiastes dont émergent des poses et des regards familiers. On y retrouve la torsion d’un cou, une barbe fournie sous un front dégarni, le grain d’une peau profondément ridée, le retroussement d’un nez, des arbres ou le gonflement d’une joue. Il y a en ces figures une dimension archétypale qui les rapproche de mille et un tableaux et dessins croisés.

Ce sont des archétypes anciens dont il est malaisé de retrouver l’invention, ils évoquent bien parfois un tableau précis, mais celui-ci renvoie à un autre que l’on retrouve encore ailleurs, comme si l’angle d’un coude en prière ne pouvait être autrement. Ces archétypes nous sont d’autant plus lointains que leur répétition a été enterrée avec les académies qui les perpétuaient froidement mais invariablement, avec la plus grande rigueur et la plus exigeante des précisions. Ils étaient tels des corps à dissection sur lesquels revenaient rituellement les étudiants génération après génération. Glenn Brown qui s’en saisit renvoie à cette perte par le bouillonnement que l’on ressent sous son trait, il cherche le sillon, mais celui-ci est rebouché. Alors il superpose sur son papier d’autres dessins tracés en transparence sur un calque, se copiant lui-même, revenant sur le nuage d’efforts qu’il a soulevé. Ainsi coincé, il ne retombe pas. Cela accentue le mouvement, le flou et une incertitude qui lentement tourne en rond entre les feuilles de papier.

Car ce n’est pas la fièvre créatrice qui pousse Glenn Brown. Indéniablement il y a de la nonchalance dans son dessin, une sorte de langueur dans laquelle le trait frissonne cependant tel une eau sur le point de se mettre à bouillir. Ces épisodes de nervosité piquent la surface de la feuille d’une multitude d’instants qui la ponctuent et où l’on peut lire, encore, la ronde bosse des plâtres anciens.