C’est étrangement la discrétion du fil de laine rouge tendu par Fred Sandback qui attire en premier le regard. Il forme un trapèze posé contre le mur que l’on ne voit pas immédiatement, mais qui nous devine. La place qu’il délimite se construit dans l’esprit progressivement, à mesure que l’on comprend la distance qui nous sépare de lui. Elle aurait pu être un piège et se refermer sur les imprudents, pourtant rien ne s’y passe, elle n’est ni une forme, ni un lieu, mais une ambiguïté coincée entre les deux et qui permet un moment de désœuvrement.

D/m 172 de pile en pile (souvenir) de Claude Rutault procède aussi du désœuvrement, mais lui a posteriori. Rutault ne le crée pas, il le constate et le signale ; il  sanctuarise cet instant coincé au moment de commencer. Le pas n’est jamais franchi, les toiles qu’il accumule et qui s’entassent prospèrent de cette manière dans une couleur unique. C’est ici le jaune d’un souvenir gallo-romain englobant de grands châssis, longs comme des hommes, formant les uns sur les autres une sorte de monument funéraire. Un monument potentiel érigé à l’attention de futurs butins de guerre qui viendront creuser sur ses flancs le récit de leur mort. Y songer en l’observant pousse à se heurter au mur que dresse la Matière noire et lumière blanche de Michel Verjux. L’intensité du cercle lumineux projeté attire irrémédiablement le regard dans l’exiguïté trop humaine de ses dimensions. Or il ne pointe que du dur, aussi dur que le demi cylindre plat qui git à ses pieds telle la partie visible d’une pierre enterrée après avoir été roulée pour ouvrir un tombeau.

Au milieu de ces trois espaces vaquent deux figures. La première est un Portrait (1961) sculpté par Eugène Dodeigne, une trogne rabrouée dans la tendresse d’une pierre de lave noire à l’aspect sec et moussu. La seconde qu’elle observe est le tronc d’un Mercure lui tournant le dos drapé jusqu’au-dessus des fesses, une cuisse légèrement en avant comme pour engager un départ.