De boues en dérapages, à mesure que se poursuit sa course jouissive et certainement sans but, l’estafette jaune de Florian Pugnaire et David Raffini devient plus petite. Ses garnitures disparaissent, arrachées par l’usure accélérée que leur font subir les artistes. Elle cogne tant que les pare-chocs se tassent, que se tordent et se contractent les tôles de la carrosserie autour du moteur la manière d’un papier de bonbon stridemment enroulé sur un morceau de sucre. Tout se recroqueville et se fait étroitesse.

L’exercice se déroule dans paysage forestier propice au camping sauvage. De cette tranquillité trop vaste, Robin Meier tente d’extraire les battements synchronisés qu’émet une batterie de criquets et de lucioles. Sous sa tente les outils d’un bordel scientifique de fond de jardin poursuivent le fantasme d’un retour in-utero. Plus qu’une lumière en laquelle il ne croit plus, c’est un pouls qu’il cherche, une pulsation pour délivrer et guider les consommateurs accumulés en buttes aux pourtours des villes et des autoroutes. Il n’est pas le seul à caresser cet espoir. Julien Dubuisson construit un intérieur aux choses et aux idées, une intimité emboitée dans une autre intimité. Les apparences deviennent ainsi les contre-formes d’une vie intérieure inaccessible au regard et à laquelle on ne parvient qu’à tâtons comme l’on retourne un gant pour en extraire une jambe.

C’est cette énergie des vacuités qui travaille Thomas Teurlai. Internet n’a pas tenu ses promesses, le réseau a filtré les rêves et accumulé plus de déchets que l’imagination pouvait en produire. Mais enfoncée dans cet amas trop concret de désillusions se cache une ultime chimère, le mythe d’une nouvelle géologie. Les carcasses d’ordinateurs contiennent des métaux précieux, une quantité formidable de métaux que les doigts bouffis du geek se sont mis à rechercher, faisant de lui un orpailleur amateur entre les mains duquel tout ce qui ne fonctionnait plus très bien se meut en un terrier de débris et d’ordures où s’ensevelissent avec lui les traces de son cauchemar.

Sous le jour trop vaste, on étouffe. Ni la mer ni les îles n’offrent plus d’ailleurs viables. Ce sont des seaux, des dépliants.