Le Saint Jean-Baptiste de Caravage est un jeune homme. Le visage paysan, sans grande grâce ni vigueur, il est posté contre un épais drap rouge trop grand pour son corps. Dans sa main un roseau donne une certaine souplesse à sa détente trapue. Un mouton détourne sa tête en direction des feuilles de vigne qui courent sur le mur contre lequel se tient le Saint. Comme souvent chez l’artiste le modèle a pris le pas sur le sujet. Jean-Baptiste n’est pas un surhomme mais simplement un garçon portant sans s’en soucier, et d’un demi-sourire, la charge fantastique qui repose sur ses épaules.

Dans Le Baptême du Christ de Jusepe de Ribera, l’inquiétude a chassé la naïveté. Le tableau est enveloppé dans un ciel gris usé jusqu’à la corde laissant apparaître un bleu qui peine à éclairer les figures du Christ et de saint Jean-Baptiste. Tendu, ce dernier observe le ciel alors que le Christ baisse un regard doux en direction de l’eau qui ruisselle à leurs pieds. Dedans coulent les promesses contenues aux cieux et que connaissent trop bien les anges qui portent son manteau. Leurs yeux rougis, leur tête résignée, ils tiennent cette pièce de tissu dont la couleur est celle-là même qui couvrira la Vierge au moment de la crucifixion. L’obscurité descendue, la Pietà de Ribera montre le corps livide du Christ entouré de quatre tâches colorées, le vert et la brique, le bleu, l’ocre foncé. Il repose sur un linceul blanc finement drapé coincé dans toute la longueur du tableau comme pour mieux marquer la rigidité du cadavre. Las, le Christ, la barbe drue et dense, occupe une nuit totale qu’étrangle un silence à peine soutenable tandis que, du bout des lèvres, saint Nicodème, qui embrasse ses pieds, frôle la plaie d’un profond stigmate dont la couleur rougeoie comme une figue bien mûre.

Toutes les natures mortes de Giuseppe Recco tiennent dans ce petit détail – leurs rascasses, leurs coquilles Saint-Jacques, leurs pommes d’api et leurs oursins décapités. Celles de Paolo Porpora, Sous-bois avec liserons, serpent, grenouilles et crabes et Sous-bois avec roses, tortue, papillon et lézard portent un feu dont l’origine tient peut-être, lui aussi, dans la douleur du premier caravagisme. Végétaux et petits animaux semblent acculés devant le brasier d’un feu répandant une lumière piquante qui leur donne une texture riche en accidents et en bizarreries, comme s’il s’agissait, à l’orée du bûcher qui le consumera sous peu, d’un trésor d’or et de pierres précieuses extrait une toute dernière fois de son coffre pour s’offrir au regard fiévreux de ceux qui vont périr.