Marie est assise. Son fils pétrifié gît entre ses jambes, posé dans les plis de sa robe qui accompagne avec douceur le corps musculeux du Christ dans l’éternité de la mort.

Sa tête est coiffée d’une raie que balaie une chevelure subtile et délicate descendant le long de son cou en une longue et dense ondulation. Ultime coquetterie qui répond à la beauté de sa pose, cette coiffure marque par le soin qui y est apporté toute l’importance de l’incarnation. Fait homme, le Christ est montré par Pradier aussi beau et sensuel que peut l’être un être divin. Sa cuisse droite est saucissonnée par une corde qui la serre et met en exergue la structure sublime de muscles reliant l’aine aux côtes. Ainsi prises dans la chair et dans le marbre, les palpitations de la vie sont belles et rondes comme une nuit d’ivresse au matin du monde. Chaque torsion et chaque enchevêtrement portent le frémissement du désir à un point d’immobilité que rien ne peut renverser. Il est trop tard, dans son oblique qui répond à la symétrie parfaite de la vierge, le corps du Christ abandonné a trouvé le pardon éternel.

Mais il est mort et toute son apparence n’est plus qu’une coquille vide et vaine que seule la résurrection sauvera. En attendant, le cadavre, si beau soit-il, a pris la couleur pâle de la pierre et son froid le parcourt de la tête aux pieds. La statue ne peut être que vue et contournée. Intouchable, elle est trop froide, plus une main ne peut s’en approcher. Pourtant les couleurs des vitraux habillent de chair l’œuvre du sculpteur, une chair qui vibre de rose, de vert et de sang au rythme des journées. En cela elle demeure parmi nous et traverse les jours et l’obscurité sans pouvoir mot dire, léchée par la lumière puis laissée, et à nouveau reprise dans le mouvement des vies qu’elle ne contrôle ni ne subit totalement.