Ouverte de toutes parts la chapelle Frank Stella semble avoir été balayée par une inondation. La toiture en résille tissée en fibre de carbone laisse pénétrer la lumière. Elle éclaire les débris d’acier charriés par le déluge accrochés aux six panneaux verticaux ornant les côtés de la structure. Ils pendent, fichés et enchevêtrés les uns dans les autres, tels des rognures d’armatures à béton au lendemain d’un tremblement de terre. Bardés de fer, hérissés et coupants, ils entourent les visiteurs qui se placent au centre du petit édifice et les menacent calmement, à la manière des punitions jamais appliquées car leur seule évocation suffit à faire taire immédiatement. Rien d’autre ne subsiste, ni eau, ni boue, ou végétaux morts. Seule une fine poussière grise, sèche et à peine perceptible, permet de se souvenir du désastre.

Ce qui put être décomposé fut décomposé, le reste a été emporté. Plus rien ne put ensuite être déposé auprès de la chapelle, les bruits d’un cours d’eau s’associant à l’incessante route départementale pour entretenir le vide. Passent cependant les arbres et les buissons qui s’élancent lentement pour retomber et ainsi rejouer dans un ralenti extrême l’explosion des forces à l’origine de leur venue. Dans ce coin de verdure la chapelle s’enfonce, pareille à un carrousel ayant survécu à la disparition du parking qu’il occupait. Elle a vu pousser les végétaux parmi les entrailles cimentées des anciennes traditions. Elle en a encore l’apparence. Les panneaux en aluminium qui l’occupent ont été coulés sur les plaies ouvertes du sol telles qu’elles étaient avant de se refermer sous les herbes fraiches. Désormais suspendues au-dessus du sol, leurs carcasses grises et rouille attendent patiemment, comme patientent les fabuleux instruments de torture médiévaux qu’enfin on se ressaisisse d’eux.