En tant que plan – deux dimensions organisant des plages de couleurs sur une surface – la ville est un terrain de jeu, une fourmilière que l’on observe de haut, comme depuis les nuages, ainsi que les architectes et les urbanistes nous observent sans nous toucher du doigt, ni jamais connaître d’horizon. Mais la ville n’est pas que cela, elle est aussi une masse, une forme potentielle parcourue de changements et d’imprégnation sociale.

Les trois Modern Building en modules de construction, parpaings ou briques empilés sans maçonnerie de Tony Cragg, matérialisent cet état de stock. La pierre est la forme liminale de ce qui adviendra. Dans l’attente de servir elles sont une préfiguration du bâtiment à venir, elles le contiennent tout autant qu’elles en sont une partie. La Venise rangée d’Armelle Caron prend source dans plan de la ville, mais chacune des unités utilisées pour signaler les bâtiments est réorganisée et ordonnée en fonction de sa forme et de sa taille. La modularité figée de la ville est déconstruite pour en faire apparaître l’organisation initiale. Alignés, les maisons et les édifices deviennent des éléments de construction à partir desquels toutes les formes sont possibles et fragiles. Tel un château de sable et de coquillages Venise est emportée par les vagues qui grignotent ses rivages et les recouvrent de cristaux de sel, elle ne tient que parce que ses habitations sont perpétuellement remodelées par les personnes qui y vivent et qui en constituent le moellon essentiel.

Le Cercle de confusion de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige est une Beyrouth morcelée en plusieurs centaines d’autocollants. Accolés sur un miroir de trois mètres par quatre, ils disparaissent à mesure que les visiteurs les emportent, découvrant progressivement une ville qui leur ressemble de plus en plus et finit par disparaître totalement dans leur reflet. Beyrouth ne prend pas corps dans son architecture, elle ne fait que la retenir pareille à la végétation qui retient la terre sous ses racines. Absorbée par ceux qui l’émiettent et la veulent, la cité est une construction vivante au travers de laquelle l’urbanisme et l’architecture ne font que passer comme les grains de sable dans le goulot d’un sablier.